Littérature / Un escroc anéantit un village et ses habitants. Sur ses terres de Bretagne, le romancier français Tanguy Viel invente, avec "Article 353 du code pénal", un drame social et ausculte la toujours très vivace et donc forcément féroce lutte des classes. Rendez-vous à la librairie le Square pour en parler avec lui.
C'est encore la période du franc, certes finissant. François Mitterrand est une figure qui n'appartient pas encore aux livres d'histoire. D'ailleurs son arrivée au pouvoir le 10 mai 1981 revêt une double importance pour Martial Kermeur : la gauche prend enfin la tête de son pays et son fils Erwan voit le jour.
Fidèle à sa Bretagne d'origine, c'est de la rade de Brest que l'écrivain Tanguy Viel regarde, via son nouveau roman Article 353 du code pénal, la France, et surtout ce qu'il reste d'un XXe siècle qui a salement amoché son personnage principal, licencié avec une kyrielle d'autres de l'arsenal. La rigueur n'enraye pas le déclin économique, ni la cupidité des manipulateurs d'ailleurs.
Antoine Lazenec, prétendu sauveur d'une bourgade voisine, va ainsi investir pour transformer la colline donnant sur la mer en un complexe immobilier. Pire, « une station balnéaire ». Et comme le remarque Martial Kermeur, « le château, cette chose qui avait appartenu à tout le monde pendant trois siècles, maintenant c'était la propriété d'un seul ». Mais pour l'instant ce n'est qu'une maquette que chacun applaudit aveuglément...
Vents contraires
En 174 pages qui se lisent d'une traite (ou presque), Tanguy Viel construit sa narration comme un long travelling arrière avec épilogue au commencement : Lazenec a été jeté à l'eau par Kermeur qui s'explique face au juge d'instruction au cours d'une déposition écrite dans un langage oral constamment juste. Ce n'est pas cette conclusion tragique qui, comme dans le très bien ficelé dernier Goncourt (Chanson douce de Leïla Slimani), intéresse l'écrivain mais le poids des absences, des vides que la société crée et fait porter à ce chômeur de 50 ans, divorcé, en charge d'un fils qui, bien sûr, ne veut pas ressembler à ses parents.
Les apparences finissent par envahir l'espace réel et une Porsche par asseoir un homme dont les projets sont plus encore construits sur du vent que la côte qu'il compte transformer. Sans grands effets ni génie mais avec une efficacité remarquable et un sens du rythme maîtrisé, Tanguy Viel livre un récit violemment politique, démontrant que la justice des hommes mêlée à l'humanité de certains peut encore contrer la bassesse des autres. Une victoire de l'intelligence bienvenue au début de cette année qui pourrait cruellement en manquer.
Rencontre avec Tanguy Viel
À la librairie le Square mercredi 25 janvier à 18h30