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"Soyez sympas, rembobinez" : pour l'amour du cinéma (et de Michel Gondry)
Par François Cau
Publié Vendredi 29 février 2008
Si l’imaginaire débordant de Michel Gondry s’exprime de façon toujours aussi jouissive dans cette comédie, il ne se replie plus sur lui-même, et fait montre d’une générosité et d’une volonté d’émulation hautement louables.
Mike et Jerry, grands dadais coincés dans des corps d’adultes, squattent plus que de raison le vidéoclub décati du bon vieux monsieur Fletcher. Quand celui-ci confie la boutique à Mike, le pire ne tarde pas à arriver : suite à une péripétie improbable, Jerry se retrouve entièrement “magnétisé“ et efface malencontreusement toutes les bandes vidéos du magasin. Les deux comparses n’ont dès lors plus d’autre choix que de retourner eux-mêmes les films en location, avec les moyens du bord.
Avec ce postulat de départ propice à de multiples fantasmes cinématographiques, Michel Gondry se joue de l’attente d’un spectateur avide de savourer les savoureux remakes cheap promis. À l’image de ces morceaux de bravoure effectivement jubilatoires (Jack Black imitant Jackie Chan dans Rush Hour 2, tout un poème !), Soyez sympas, rembobinez ressemble à un objet comique d’un autre temps, carburant à un humour slapstick d'un autre temps. Conscient qu’il n’a plus rien à prouver en termes strictement visuels, Michel Gondry concentre ses efforts sur ses personnages, sur l’enthousiasme contagieux et la fièvre créatrice de ses deux héros improvisés metteurs en scène.
Do it yourself
Sorti à jamais changé de l'expérience Block Party (un documentaire où il suivait les coulisses d'un grand concert de quartier organisé par le génial humoriste Dave Chappelle), Michel Gondry applique ici de façon on ne peut plus concrète les leçons qu'il a tiré de cette expérience communautaire. En faisant participer activement la population locale dans le tournage du film, dans un premier temps, puis en livrant son œuvre la plus généreuse et la plus délicatement "subversive".
Non content de démontrer par l'absurde l'inanité de certains de ses modèles (sans condescendance pour autant), de souligner que les effets spéciaux bricolés ont infiniment plus d'âme que leur pendant numérique, Michel Gondry opère un tour de passe passe narratif à l'issue duquel les protagonistes vont se retrouver "obligés" de tourner une œuvre originale. Ce processus de réappropriation de la création cinématographique décuple l'énergie des personnages comme l'intérêt du film qui devient dès lors un hommage émouvant à tous les artisans du 7e art, à tous ceux qui, enfant, ont empoigné une caméra pour filmer des combats de figurines en plastique dans leur jardin.
Certes, les défauts du film (le rythme, en particulier) jouent contre lui sur la distance, son indécrottable candeur peut agacer, mais l’efficacité de son propos légitime ses faiblesses. Michel Gondry nous rappelle à quel point l’aventure cinématographique peut être fédératrice, et à quel point on gagne à se détacher de ses modèles pour construire sa propre vision. Merci l’artiste.
Soyez sympas, rembobinez, de Michel Gondry (ÉU, 1h34) avec Jack Black, Mos Def…
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