Les diamants ne sont pas seuls à être éternels. Non contentes de survivre à leurs créateurs, les grandes figures du roman policier ou d'espionnage s'offrent même des prolongations en se faisant adopter par de nouveaux parents : de quoi reconsidérer les liens du sang.
Le sort est injuste pour les auteurs de polars : ils suent sang et whisky pour inventer des personnages originaux, s'esquintent la santé à créer des structures narratives innovantes, des formes stylistiques inédites et/ou des intrigues insensées... Tout ça pour qu'après leur trépas des godelureaux qu'ils ne connaissent en général ni des lèvres, ni des dents, reprennent la boutique d'un clavier enfariné !
Si la pratique semble hérétique dans l'édition francophone, à moins de travailler en famille (l'épouse et les enfants de Jean Bruce lui ont succédé aux commandes de OSS 117 et Patrice Dard a pris la relève de son paternel Frédéric pour la série San-Antonio), elle semble naturelle chez les voisins anglo-saxons, où de Sherlock Holmes à Hercule Poirot récemment (sous la plume de Sophie Hannah), la plupart des détectives de papier bénéficient d'un bonus en librairie. Les lecteurs sont loin de s'en offusquer : d'abord, parce que le cinéma a ouvert la brèche en multipliant adaptations et avatars des héros populaires ; ensuite parce que le culte de l'auteur se révèle moins exacerbé qu'on ne le croit.
Cette année, Quais du Polar donne la parole à deux “repreneurs de flambeaux” atypiques, au centre de toutes les attentions : Anthony Horowitz et David Langercrantz. Le premier est un récidiviste : intégré dans l'écurie des romanciers autorisés à ajouter un volume à la saga James Bond initiée par Ian Fleming (Déclic Mortel), il avait précédemment signé deux Sherlock Holmes et adapté Hercule Poirot pour la télévision.
Quant au second, on lui doit la résurrection de Mikaël Blomkvist, personnage principal de la trilogie de Stieg Larsson, Millénium. Avec Ce qui ne me tue pas, Langercrantz a relancé la série-phare du polar suédois, annonçant même une nouvelle trilogie. Tous deux profiteront de leur présence à Lyon pour confronter leur regard aux adaptations cinématographiques tirées de leurs univers respectifs. Si Langercrantz a choisi le Millénium de Fincher, on évitera la totale Daniel Craig, Horowitz lui ayant préféré Sean Connery dans le smoking blanc de 007 pour le matriciel et canonique Goldfinger (1964) de Guy Hamilton. VR