European Lab / Parmi les invités d'un European Lab de plus en plus passionnant sur le papier, Simon Reynolds viendra évoquer l'une de ses marottes, celle-là même qu'il a décortiquée dans Retromania, comment la culture pop recycle son passé pour s'inventer un futur.
On n'en a peut-être pas toujours conscience mais on ne peut évoquer aucun sujet, n'aborder aucun problème sans marcher droit devant, la tête tournée en arrière. C'est tout le paradoxe de notre société ultra-connectée, ultra-techno, qui nous propulse toujours plus vite vers le futur et donc l'incertitude que d'avoir rendu cette réalité encore plus forte. En son temps, le romancier canadien Douglas Coupland évoquait dans son Generation X, « l'Ultra-nostalgie » dont la définition était la suivante : « nostalgie du passé immédiat, "merde, ça allait quand même mieux la semaine dernière" ». Or ce concept sur lequel Coupland mettait alors le doigt nous a attrapé le bras et avalé tout entier.
Dans Retromania, qui a définitivement assis sa réputation de popologue, le critique rock Simon Reynolds en fait le constat incontestable : la mise à disposition technologique du passé (musical, culturel plus généralement) a ouvert les vannes d'une nostalgie à laquelle il était bien plus ardu de se connecter du temps du Minitel, du téléphone à cadran ou de l'ORTF. Devant la difficulté à se bâtir une culture qui est aujourd'hui à portée de clics, il était alors plus commode sinon plus naturel, dans les années 60, 70 et 80 de se construire à l'aune du contemporain, de sa continuation ou de sa destruction.
Tomorrow never known
Les années 2000, la révolution numérique, auront été celles du grand basculement dans la post-modernité généralisée, le culte du kitsch, la religion de l'archive et du déchet érigé en relique, la dictature du vintage, la dynamique bégayante du remix. Un tout-référentiel porté par le constat, ou l'illusion du constat, que puisque tout aurait déjà été fait, il n'y aurait alors qu'à refaire, qu'à revivre l'Histoire non vécue, comme une farce, un carnaval. Jusqu'à l'effet (de) masse, la surcharge, la désincarnation, autrement dit le passage de l'ontologie à l'hantologie, terme que Reynolds emprunte à Derrida.
On ne peut le dire autrement, et Reynolds le sait, qui a toujours relié la culture au social, qu'il s'agisse de twee-pop et de house sous Thatcher ou du post-punk (son ouvrage Rip it up and start again dont le titre dit bien ce qu'il veut dire), c'est là le symptôme d'une crise, d'une société qui n'avance plus, d'une croissance et d'un espoir enterrés, d'un cadavre impossible à ranimer.
Simon Reynolds viendra en débattre à l'occasion de la conférence Tomorrow never Known : le futur imprévisible de la pop culture, dans le foisonnement d'un European Lab comme hanté, si l'on en croit le nombre de conférences qui y sont plus ou moins directement consacrées, par cette question, qui est aussi celle de notre avenir tout court.
Tomorrow never Known : le futur imprévisible de la pop culture
Au musée des Confluences dans le cadre de l'European Lab le jeudi 5 mai à 17h