Littérature / Le troisième volet des aventures de Vernon Subutex vient tout juste de paraître, et Virginie Despentes en parlera à la librairie Ouvrir l'Œil ce vendredi.
Virginie Despentes conclut sa fresque, après deux ans d'attente (le tome 2 datait de juin 2015) qui furent assez longs pour les mordus de Vernon Subutex, l'anti-héros devenu une sorte de gourou à son corps défendant. L'écriture a pris plus de temps que prévu : les événements IRL se sont enchaînés, touchant directement au cœur de la vie de ces personnages, "l'obligeant" à les intégrer. Comment ne pas parler de Charlie Hebdo et du Bataclan, quand sa bande (la vraie, comme celle du bouquin) est branchée rock et rap, a grandi en écoutant NTM et allant voir les concerts du crew indé d'Angers tournant autour de la boutique Black & Noir, ou ceux de la bande Gougnaf à Lyon ? Comment occulter Nuit Debout, qui par certains aspects pourrait presque être vue comme inspirée par les longues sessions de discussion au parc des Buttes Chaumont, où Vernon, l'ancien disquaire respecté devenu sans domicile fixe, avait posé ses fesses fatiguées ?
Despentes a pris acte et a chamboulé la troisième partie de son roman, lui permettant de coller toujours aussi bien à cette ère de mutations et d'incompréhensions, ajoutant la violence terroriste à la violence sociale du libéralisme dans laquelle baignait les deux précédents volumes (succès en librairie : le premier s'étant vendu tout de même à 300 000 exemplaires). Il passionnait, ce premier épisode (l'auteure de Baise-Moi revendique clairement s'être inspirée des séries télévisées), même s'il laissait poindre un peu d'aigreur envers sa multitude de personnages s'entrecroisant et dévoilant les travers de toutes les strates de notre société par un circuit-canapé.
On s'inquiétait un peu du second, qui éparpilla ces doutes façon puzzle, montrant les convergences, les amitiés rafistolées, conviant les idéaux de jeunesse pour inventer de nouvelles relations adaptées au siècle plus si naissant. Le troisième cherche l'utopie, joue l'humour, mais ne néglige pas les failles : l'espoir est toujours plus ou moins brisé par cette caste "supérieure" pour qui l'argent et l'égoïsme sont les mamelles de l'existence. Le sentiment en reposant l'ouvrage est ambivalent : entre espoir et résignation... mais comblé par le style si rythmé, cadencé et imprégné de ceux qui entourent Virginie D. Un feuilleton populaire dans toute sa splendeur, avec ses longueurs, à dévorer tout en se passant en boucle la fraîche réédition de Trans Lines Appointment, des Deity Guns.
Virginie Despentes
À la librairie Ouvrir l'Œil le vendredi 16 juin à 19h