De Ken Loach (Ang-Fr, 1h57) avec Steve Nevets, Éric Cantona...
D'une idée originale d'Éric Cantona, soumise sans obligation d'achat à Ken Loach et à son fidèle scénariste Paul Laverty, est sorti ce Looking for Éric, qui ressemble furieusement à son making of. Deux films y coexistent sans jamais vraiment se rencontrer : un film de Ken Loach assez banal, plus clairement orienté vers la comédie que d'habitude, où un facteur en plein marasme social et existentiel tente de reconquérir le cœur de sa femme, et un film avec Éric Cantona, où il apparaît en sphinx fantomatique prodiguant ses conseils sous forme d'aphorismes absurdes à ce supporter de Manchester qui l'adule. Le procédé, systématique, lasse très vite, mais c'est la faiblesse générale de ce feel good movie qui pose le plus question. Après un film aussi fort que It's a free world, qui avait l'audace de briser le manichéisme loachien, le cinéaste embraye sur un recyclage sans génie de ses propres ficelles. Une chose saute aux yeux : plus il cherche à être léger, plus il est lourd. Particulièrement dans sa direction d'acteurs, puisque Steve Nevets en fait des tonnes dans le registre gueulard généreux assez monotone à l'arrivée. Même le corps de Cantona semble entravé : assis dans des chambres exiguës, filmé en plans américains, Loach ne tire jamais profit de sa présence physique, se contentant de le laisser théoriser avec ironie son propre mythe. C'est un peu court, et beaucoup trop long, sympathique dans le fond, certes, mais assez pénible dans la forme.
Christophe Chabert