Longuement mûri pendant plus d'une décennie, Jusqu'au bout du monde aurait dû être le 2001 de Wenders, son grand projet de science-fiction. Une fable aussi futuriste que visionnaire sur l'omniprésence dévorante des images, et le besoin vital (le désir ?) d'en consommer, y compris lorsque l'organisme n'en a plus la capacité physiologique : ne raconte-t-il pas, entre autres histoires, comment un savant cherche à rendre la vue à sa femme aveugle ?
Las, la fatalité en a décidé autrement... Le public, souverain arbitre, s'est détourné de ce film initialement sorti dans une version de 2h59 à l'automne 1991... pile une semaine après le monstre Terminator 2 : le Jugement dernier. Si les deux productions traitaient de la révolution numérique, l'une était revêtue des atours du divertissement hollywoodien, et l'autre apparaissait comme signée par un auteur réputé austère et intello. L'échec de ce film européen ambitieux porté par Solveig Dommartin, William Hurt, Sam Neill, Rüdiger Vogler, Jeanne Moreau, Max von Sydow et même Eddy Mitchell stoppa un Wenders au faîte de sa gloire, et dégrada les finances de son producteur Anatole Dauman (Argos Films).
Seule la B.O. de prestige échappa à l'époque à l'indifférence, réunissant des compositions originales de Depeche Mode, R.E.M., Talking Heads, U2, Patti & Fred Smith, Crime & The City Solution, Neneh Cherry, CAN... La ressortie de ce fascinant polar globe-trotter et poétique en version director's cut (4h50 !) nous permet de les réentendre associées aux images qui les avaient inspirées. Près d'un quart de siècle plus tard...
Jusqu'au bout du monde
De Wim Wenders (ÉU, 1991) avec Solveig Dommartin, William Hurt, Sam Neill...
À l'Institut Lumière samedi 5 et dimanche 6 décembre