"Love & Friendship" : une délicieuse adaptation de Jane Austen

Love & Friendship
De Whit Stillman (Irl, 1h32) avec Kate Beckinsale, Chloë Sevigny...

Avec cinq longs-métrages en vingt-cinq ans, Whit Stillman semble du genre à se faire désirer. Logique qu'il ait succombé aux charmes de Lady Susan, cultivant la séduction comme l'un des beaux-arts. En résulte une transposition délicieuse du roman épistolaire de la jeune Jane Austen.

Le rôle du cinéma et de la télévision dans le regain de popularité rencontré par l'œuvre de Jane Austen est indubitable : la prodigieuse quantité d'adaptations — qui elles-mêmes ne l'étaient pas toutes — déversées sur les écrans depuis une vingtaine d'années a contribué à la postérité contemporaine de l'auteure britannique au-delà du périmètre des lecteurs avertis et des anglophones.

La surexposition de Orgueil et Préjugés, Raison et Sentiments ou Emma a cependant eu comme corollaire étrange de restreindre la notoriété de ses écrits à ces quelques titres, abandonnant les autres à une ombre plus épaisse encore. En un sens, c'est heureux que personne ne se soit emparé de Lady Susan avant Whit Stillman : il a eu le bonheur de travailler sur un matériau vierge de tout repère. Et de façonner “son” image de Lady Susan.

Une Kate avisée d'un époux aisé

Celle-ci épouse les traits merveilleux — comment pourrait-il en être autrement, puisqu'il s'agit d'une coureuse de beau parti, fine manigancière au physique envoûtant — de Kate Beckinsale. Il y a une autoréférence malicieuse et cohérente dans ce choix d'actrice, comme dans celui de Chloë Sevigny pour incarner sa confidente : Stillman reconstitue son duo des Derniers Jours du disco (1998), accréditant l'idée dans l'esprit du spectateur d'une complicité ancienne et naturelle entre ces deux (encore) jeunes séductrices.

Au-delà de sa splendeur physique, le personnage de Lady Susan est séduisant par son esprit et sa rouerie : drôle dans ses traits et répliques qu'envierait Oscar Wilde, sa capacité à tirer avantage de ses infortunes, sa faculté féline à retomber sur ses coussinets. Habillée d'impassibilité soyeuse, cette femme fatale avant la lettre ourdit des péripéties d'autant plus jubilatoires qu'elle a tout pour se faire haïr (de l'intelligence à l'absence d'amour maternel, en passant par l'ambition), et qu'elle se trouve encerclée par une gent masculine brillant par sa stupidité.

Stillman use d'un classicisme à la Resnais — c'est-à-dire profondément moderne — en insérant des cartons présentant les personnages, qui contribuent à instiller un humour à froid divergé, souterrain. On peut ainsi “lire” le film comme une respectueuse adaptation en costumes faussement guindée, ou bien s'amuser à déceler les jeux sur les non-dits, allusions, mensonges, parades et fuites à l'anglaise. Quelle que soit l'option, le plaisir est exquis.

Love & Friendship de Whit Stillman (Irl/Fr/PB, 1h30) avec Kate Beckinsale, Chloë Sevigny, Xavier Samuel...

à lire aussi

vous serez sans doute intéressé par...

Vendredi 11 mai 2012 De Baltasar Kormakur (Islande, 1h49) Avec Mark Walhberg, Kate Beckinsale, Ben Forster
Mardi 5 avril 2011 De Bernard Rose (Ang, 2h01) avec Rhys Ifans, Chloë Sevigny…

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X