Festival Lumière / Le patron de l'Institut Lumière avait promis une surprise pour marquer les 10 ans du Festival Lumière. Il a de fait pris tout le monde de court en annonçant la remise du 10e Prix Lumière la comédienne et productrice Jane Fonda, le 19 octobre prochain à Lyon.
Les pronostiqueurs en sont pour leurs frais, qui s'imaginaient déjà, après Wong Kar-wai, célébrer quelque prestigieux cinéaste étasunien rue du Premier-Film. C'était aller un peu vite en besogne et oublier que la règle définissant les modalités d'attribution du “Nobel“ du cinéma possède une élasticité remarquable : les récipiendaires sont désignés sur des critères reposant « sur le temps, la reconnaissance et l'admiration ». C'est ainsi que la comédienne Catherine Deneuve avait été distinguée, sans qu'elle ait jamais réalisé — à la différence de son prédécesseur Gérard Depardieu — le moindre film. Dès lors, tout était possible.
Jane Fonda apparaît comme un choix indiscutable et logique. Indiscutable, car sa carrière d'actrice, sanctionnée par deux Oscar pour Klute (1971) et Retour (1978), compte une cargaison de classiques allant des Félins de René Clément (1964) à On achève bien les chevaux (1969) de Pollack, de La Poursuite impitoyable (1966) de Penn à La Maison du Lac (1981) de Rydell en passant, évidemment, par Barbarella (1968) de Vadim.
Logique, si l'on tient compte d'un certain contexte poussant à placer sur le devant de la scène des figures portant ou ayant porté la voix de la revendication féminine. Or, de la génération “68“, Jane Fonda fut l'une des plus militantes : engagée politiquement, elle profita de sa notoriété pour faire progresser des idées égalitaristes et progressistes dans un Hollywood machiste à tendance rétrograde. Le mouvement Time's Up, consécutif à l'affaire Weinstein, obligeant à une reconsidération de la représentation, du traitement et de la rémunération des femmes, a sans doute participé de ce choix, consciemment ou non. Ajoutons que Mademoiselle Jane Fonda est une délicieuse francophone. On attend de pied ferme sa venue, et ses choix de programmation.
Anniversaires
Comme à l'accoutumée, la présentation du festival aura permis de se mettre en appétit en ne livrant que de grandes orientations : pour le détail des films et des séances (420 à prévoir en dix jours...), il faudra revenir après l'été. Toutefois, on a déjà matière à réjouissance avec la rétrospective Henri Decoin (qui permettra de rendre à nouveau hommage à Danielle Darrieux, sa comédienne fétiche). L'histoire permanente des femmes cinéastes exhume la carrière d'une britannique que « même Bertrand Tavernier connaît mal », Muriel Box. On se souvient que le même Tavernier s'amusait de la passion quasi coupable que Patrick Brion entretenait pour Richard Thorpe en multipliant les cycles au Cinéma de Minuit. Grâce à un dépôt de copies 35mm réalisées par ledit Brion, on pourra justement redécouvrir une partie de l'œuvre de ce stakhanoviste des studios.
Montré dans sa version restaurée à Cannes, 2001 : L'Odysée de l'espace de Kubrick doublera la mise en 70mm ; l'occasion pour Actes Sud, maison cousine de l'institut de sortir un petit ouvrage sur le film désormais quinquagénaire — mais tellement plus contemporain et visionnaire que tant d'œuvres d'anticipation. Plus jeune (il n'a que 15 ans), Nos meilleures années de Marco Tullio Giordana viendra souffler ses bougies. Et il est possible que Tilda Swinton refasse une escale pour présenter un de ses films de chevets — cela reste à confirmer. Plus sûre est la projection des Grandes Gueules, du trop mésestimé Robert Enrico — dont on devrait pouvoir revoir La Rivière du Hibou, son court-métrage à Oscar qui fut diffusé dans The Twillight Zone.
Du silence et des sons
Au rayon muet, Buster Keaton achève son intégrale lancée en 2016, fruit d'une restauration minutieuse. Et il sera rejoint par le maître de Chaplin, le Français Max Linder, à l'occasion de la création d'un Institut Max & Maud Linder — disparu l'an dernier Maud, la fille et détentrice des droits de l'œuvre de son père, les ayant légués à Lyon. Qui n'a jamais vu les fantaisies élégantes de l'homme au chapeau de soie se doit d'aller les découvrir sans tarder ! Autre grande star des débuts du cinéma, Catherine Hessling, muse des premiers films de Renoir, aura sa bouille ronde et ses yeux céruléens à nouveau sur grand écran.
Muette, Liv Ullman l'est dans l'immense film de Bergman, Persona. La comédienne et cinéaste norvégienne aura, on l'espère, beaucoup à dire sur ce tournage et d'autres films projetés au cours de la rétrospective qui lui est offerte. C'est l'un des moments les plus attendus du festival.
Ne croyez pas, pour autant, que le silence règnera sur cette édition : Bernard Lavilliers viendra souffler son amour des mots et des images et Catherine Frot, annoncée il y a deux ans pour un programme de chansons réalistes, les interprétera cette fois, c'est promis. On n'a pas tous les jours dix ans.
10e édition du Festival Lumière
Du 13 au 21 octobre