Le photographe canadien Serge Clément a passé six mois à parcourir New York, notamment ses quartiers méconnus encore marqués par l'architecture du début du XXe siècle. Il s'y est interrogé sur une ville en mutation, à l'unisson d'un «empire et d'une puissance économique qui s'effrite»... Mais ce qui s'effrite, se fragmente et se démultiplie ce sont surtout l'espace, les bâtiments, les lignes de la ville à la surface complexe de ses images noir et blanc. Comme dans ses travaux précédents, l'artiste capte à même “la peau“ de New York des images qui “existent déjà“, produites par des reflets sur des vitrines, des jeux de transparence, des ombres projetées... Avec un œil de sorcier géomètre, Serge Clément repère puis enregistre sans truquage des images où ce qui est devant et ce qui est derrière, dans le champ et hors champ, voisinent sur le même plan, ainsi que de multiples traces, tags, signes, présences fantomatiques... D'une image à l'autre, et au sein d'une même image, il orchestre des points de vue éclatés, comme en une suite de musique dodécaphonique. À ce mille feuilles spatial, l'artiste ajoute aussi tout un jeu sur les matières où le métal côtoie la toile, où le tissu filtre la lumière, où de la buée ou des coulures de peinture perturbent la vision... Son New York est une vertigineuse méditation sur les différentes possibilités de voir le réel d'une ville, dont «le projet va de plus en plus vers la fragmentation et l'abstraction». On aime s'y perdre, se frotter aux mystères des incidences de la lumière, admirer l'ingéniosité ou la poésie des compositions.
Jean-Emmanuel Denave
SERGE CLÉMENT
Au Réverbère, jusqu'au samedi 24 juillet.