Autour d'un sujet peu glamour, le béton, invention clé des Trente Glorieuses, le musée Tony Garnier a élaboré une remarquable exposition qui fait confiance à l'intelligence de ses visiteurs.
Au cœur d'un quartier des années 1930 si typique de l'habitat moderne, le musée Tony Garnier dresse au fil des années un très solide état des lieux de la fabrique de l'urbanisme. Sa précédente exposition sur le confort moderne se penchait sur l'apparition de la consommation de masse. Exit cet aspect social pour évoquer la construction même des immeubles, question technique qu'il a le mérite de traiter frontalement.
Sacré béton explique pour commencer que l'apparition de ce matériau remonte à l'ère romaine, bloc extrait du chantier de l'Antiquaille à l'appui. Heureuse et simple manière de relier Lyon à son histoire doublement millénaire et de tracer une ligne entre deux arrondissements, les 5e et 8e, qui ont manifestement plus de choses en commun qu'on ne le croit.
L'évolution de son utilisation se lit ensuite sur une tablette à activer soi-même. Lieux de plaisance au XIXe siècle (Tête d'Or, Hyde Park, Central Park...), ponts dans l'après-guerre mais aussi, bien sûr, bâtiments publics et privés : de l'hôtel de ville de Villeurbanne (dont on voit l'édification par des ouvriers non casqués !) à la Tour Incity en passant par de nombreuses barres, le béton a bénéficié à des chantiers des plus divers.
L'est pas bidon
L'exposition invite aussi à l'appréhender physiquement : par le toucher de minis-maquettes de blockhaus et du tunnel de Fourvière ou, plus simplement, en s'asseyant sur des bancs le temps d'un génial documentaire retraçant rien moins que l'histoire ascensionnelle de la France via son utilisation, de l'arrivée des pieds noirs au développement loufoque du tourisme balnéaire à la Grande Motte – si le béton a été critiqué par la suite, ce n'est d'ailleurs pas tant pour sa qualité que par association au fléau que fut la politique sociale de l'époque.
À l'étage, hommage est rendu aux grands ingénieurs, notamment Louis Vicat, qui découvrit son hydraulicité en 1817, mais aussi aux ouvriers, par la présentation de matériel, par exemple des bétonnières indiquant sa composition (sable, ciment, granulat, eau).
L'exposition se termine sur d'étonnantes perspectives. Demain en effet, le béton sera sans doute truffé de capteurs (pour permettre aux voitures de s'auto-conduire) et de cellules solaires (pour améliorer les conditions de chauffage). En attendant, il est ici l'objet d'un impeccable travail scientifique et muséal.
Sacré béton !
Au musée urbain Tony Garnier jusqu'au 18 décembre 2016