Le peintre lyonnais Max Schoendorff fait l'objet d'une petite rétrospective à la galerie Michel Descours. Son esprit surréaliste et libertaire se retrouve aussi dans l'exposition de l'URDLA, qu'il co-fonda en 1978, à la Bibliothèque de la Part-Dieu.
Devant les œuvres de Max Schoendorff, nous ressentons à chaque fois une sensation de vertige. Une admiration pour leur foisonnement libre et labyrinthique, mêlée d'un certain malaise face à leur trop-plein. Un malaise ou une "nausée" à la Sartre-Roquentin devant les racines d'un marronnier, les méandres accablants de la matière : « Tout existant naît sans raison, se prolonge par faiblesse et meurt par rencontre. Je me laissais aller en arrière et je fermais les paupières. Mais les images, aussitôt alertées, bondirent et vinrent remplir d'existences mes yeux clos : l'existence est un plein que l'homme ne peut quitter. »
En peignant, Max Schoendorff (1934 - 2012) semble passer non pas derrière le miroir, mais littéralement sous la peau, parmi les entrelacs des organes et des viscères accumulant et ré-agençant une mémoire constituée d'images, de sensations, d'éclats de corps, d'espaces paradoxaux. Des espaces où plus l'on se dirige vers l'intérieur, plus on semble découvrir leur dehors...
L'œuvre de Max Schoendorff est une fouille au corps qui tend à figurer par fragments les affects et les énigmes de cet "Homme approximatif" que Tristan Tzara nommait « amas de chairs bruyantes et d'échos de conscience ».
De Planchon à Rahan
Les noms mêmes des tableaux et des gravures de Max Schoendorff indiquent cette descente organique, cette traversée d'une "nuit vivante" et kaléidoscopique : L'Ouvert (1965), L'Écartelé (1974), Au creux d'un cri (1974), Vanités de la vanité (1973)... Autant d'explorations de ce dehors qui et que constitue notre dedans, que nous invite à redécouvrir la galerie Michel Descours à travers une quarantaine d'œuvres (peintures, estampes et même une tapisserie) datant de 1958 à 2008.
L'exposition constitue un bel hommage à cet artiste trop méconnu sur le plan national, qui fut aussi de beaucoup d'aventures culturelles : Max Schoendorff a travaillé avec Roger Planchon et Jacques Rossner comme décorateur de théâtre, il a participé à la création de revues cinématographiques (dont Positif), s'est impliqué dans la création de la Mapra et, en 1978, dans celle de l'URDLA (aujourd'hui Centre International de l'Estampe installé à Villeurbanne et dirigé par Cyrille Noirjean), dont on nous dit que le nom bizarroïde provient du cri de Rahan ! « Libertaire placide, contradicteur né, homme de convictions, il les exprimait d'une voix riche en harmoniques et en vacheries » écrivait Francis Marmande dans Le Monde à propos de Max Schoendorff.
De Gustave Doré à Deroubaix
C'est cet esprit libertaire, joyeux et baigné de surréalisme qu'a voulu conserver l'URDLA pour Peintres et vilains, imprimer l'art à la Bibliothèque de la Part-Dieu. Une exposition qui évoque à la fois son histoire depuis 1978 et, de manière plus générale, l'importance de l'art imprimé. « C'est une exposition plus poétique et surréaliste que chronologique et thématique, expliquent ses commissaires Fanny Schulmann et Cyrille Noirjean. Nous l'avons conçue telle une sorte de cadavre exquis, en passant du coq à l'âne et par surprises visuelles successives ».
Peintres et vilains entrecroise les collections d'estampes de l'URDLA avec celles, anciennes et modernes, de la Bibliothèque Municipale de Lyon. L'artiste contemporain en vogue Damien Deroubaix se retrouve à côté d'Albrecht Dürer, Erik Dietman est près de Gustave Doré, Onuma Nemon de Goya... Dans ce vaste montage d'images divisé en trois chapitres (les techniques de l'estampe, les rapports entre les images et les mots, l'outil critique et politique que constitue l'estampe), les commissaires montrent les racines communes à la grande aventure humaniste de la gravure et de l'imprimerie, et à celle, contemporaine, de l'URDLA - qui invite régulièrement des artistes en résidence de création. Et rappellent que l'estampe n'est pas un mode artistique mineur mais un médium de création à part entière. JED
Hommage à Max Schoendorff
À la galerie Michel Descours jusqu'au 12 mars
Peintres et vilains, imprimer l'art
À la Bibliothèque Municipale de la Part-Dieu jusqu'au 30 avril
Bio express
1934 : Naissance à Lyon
1958 : Première exposition personnelle à la galerie Folklore-Marcel Michaud
À partir de 1964 : Décorateur, scénographe, costumier pour le théâtre avec Roger Planchon, Jacques Rosner...
1978 : Fondateur avec d'autres artistes de l'URDLA, Centre International de l'Estampe. Max Schoendorff jouera aussi un grand rôle dans la création de la Maison des Arts Plastiques en Rhône-Alpes (MAPRA) et fut l'un des cofondateurs des revues Positif et Premier plan
2011 : Exposition au Musée des Beaux-Arts de Lyon
2012 : Décède d'une crise cardiaque