Début mars a ouvert le très attendu restaurant de Tabatha et Ludovic Mey. Les Apothicaires ? Déjà savoureux.
Sur notre écran de télé, l'on découvrit Tabata un soir de 2012. Top Chef : elle, profilée "méchante-chiante", éliminée ; en pleurs dans les bras du Jedi Marx. Une sombre histoire de canard. « La vie, c'est pas un concours » dixit le sage Piège, juré de l'émission. Les personnages de M6 ont une vie hors du tube cathodique : pas tout à fait identiques, ils font quand même de la cuisine. Et ouvrent des restaurants.
Tabata, c'est cinq ans chez l'étoilé Le Bec. Au sortir des écrans, c'est à la tête de Marguerite (brasserie Bocuse) qu'on la retrouve. C'est là qu'elle fourbit son projet avec Ludovic Mey, son second ; bientôt son mari. Mais avant de s'installer dans le 6ème, dans ce local tout en longueur — fine banquette, cuisine ouverte, un grand comptoir/passe-plat en marbre noir — avant donc, le couple mûrit son projet sous le soleil de São Paulo... et à Copenhague.
Au Brésil, la patrie de Tabata, Alex Atala (l'un des meilleurs cuistots du monde, paraît-il), les expédie vers « la nouvelle frontière des saveurs », comme il dit : l'Amazonie et Belém. « On ne connaissait pas un cinquième des produits que l'on allait cuisiner », avoue Ludovic. S'ensuit le Danemark et les cuisines du R&D, le département Recherche & Déveloloppement du fameux Noma.
La part belle aux plantes
Restait à voir ce qu'ils avaient ramené de leurs pérégrinations. Le soir de l'ouverture des Apothicaires, en ce début mars, on découvrit le menu "3 plats". Après les amuses-bouches — un naan noirci à l'encre de seiche et fourré de tarama, puis de petit cubes de betterave rôtie baignant dans un dashi — subite montée en tension en forme de risotto... sans riz. S'ensuit un beau filet de féra du lac Léman, purée de patates douces, peaux frites, huile de raifort et beurre blanc au maté. Enfin, un pressé de pommes, tout doux, mignon, point trop sucré, glace au laurier, camomille et caramel de cidre.
Ce nom, Les Apothicaires c'est, d'accord, d'abord une idée déco. Des gravures d'herbiers, un grand meuble rempli de pots en faïence (vides d'opium), de grimoires (tiens, le livre de cuisine du Noma) et de bocaux Le Parfait, remplis eux — de fruits et légumes marinés, en pickles ou fermentés. Mais Les Apothicaires, précise Ludovic, c'est une référence à « nous, notre équipe, et c'est vrai à cette cuisine végétale » qui fait la part belle aux herbes et fleurs de Jean-Luc Raillon (Drôme) et des jardins de Vartan (Décines). Des plantes et des fruits devenus mixtures : comme ces huiles de camomille et de persil, cette cerise d'un an d'âge (« c'est vrai que le goût est puissant, on ne sait pas encore dans quel plat on l'utilisera ») ou ces sucrines : feuilles fermentées sous vide durant cinq jours et réduites en purée, pour rehausser d'une pointe d'acidité le risotto sus-cité.
« La cuisine aussi soigne ! [Tabata fit médecine] On essaye qu'elle rende heureux... ». Pour notre part, si on n'a pas encore ressenti ses effets curatifs, on peut tout de même affirmer que leur cuisine est déjà (si tôt) précise, et surtout secoue ; une thérapie par agitation. Adrien Simon
Les Apothicaires
23 rue de Sèze, Lyon 6e. T. 04 26 02 25 09
Midi et soir ; du lundi au vendredi
Fiche technique
Au déjeuner : Menu à 24€
Le soir : De 3 à 5 plats, de 39 à 50€
Un plat : Le risotto de graines. Des graines de tournesol chaudes quoique croquantes, de la verdure passée au barbecue, une huile de persil : c'est aigre et fumé, joyeux et rustique
À boire : Moulin-à-Vent de Labruyère ou chardo de Prieur, 6-8€ le verre. Rayas 2004, 210€ la bouteille. La bière d'Hexagone, cuvée spéciale, 5€
Côté déco : Bérangère Mey (architecte), Olivier Charrier (ébéniste), Xavier Forêt (tapissier)
Sur la playlist : Moomin, Aquarama