C'est la compétence sur laquelle une gouvernance de droite est souvent soupçonnée des moins bonnes intentions et, par conséquent, sur laquelle elle n'a pas envie de se vautrer. En matière culturelle, Laurent Wauquiez entretient pour le moment un brouillard épais, promettant de le dissiper d'ici cet été.
Avec Rue89Lyon
C'est un chiffre quasi officiel qui circule : on estime que la baisse prévue dans le budget dédié à la culture en Auvergne-Rhône-Alpes s'approche de 10%. L'explication générale, on la connaît : la Région se met à la diète et tous les domaines de compétences seront touchés (75 millions d'euros d'économies cette année, et 300 millions d'euros à la fin du mandat).
Mais les premières décisions de l'exécutif concernant la culture n'ont pour autant pas toujours été comprises. Si Laurent Wauquiez n'a de cesse de fustiger son prédécesseur socialiste, parfois à raison, il sait que Jean-Jack Queyranne a été apprécié dans le milieu culturel où il a su mener sa barque, reconnu comme un amoureux des arts. Pour l'heure, les nouveaux locataires de la Confluence semblent quant à eux naviguer à vue. Une augmentation de subventions par ici, une coupe par là : les décisions tombent sans explication.
Où est Florence ?
Florence Verney-Carron, vice-présidente en charge de la Culture, a pris le parti de se taire. Aucune déclaration publique, surtout pas d'échanges avec la presse hormis une interview dans nos colonnes en avril dernier. Elle a vu plusieurs des acteurs de la région, s'est rendue à quelques soirées culturelles ou vernissages. Passionnée d'art contemporain et fondatrice de l'agence Communiquez, Florence Verney-Carron s'est notamment occupée de la com' du patron de l'événementiel Olivier Ginon (lequel est l'un des principaux prestataires des Biennales de Lyon). Sa discrétion pendant ces cinq premiers mois de mandat voire son absence totale des radars ont inquiété le milieu culturel.
Florence Verney-Carron a toutefois fini par recevoir trois membres du Syndeac (syndicat national des entreprises artistiques et culturelles) le lundi 20 juin, après qu'ils ont exprimé leur inquiétude de ne pas voir de « politique culturelle ambitieuse » proposée par le nouvel exécutif dans un communiqué. En cinq mois, il aura été difficile de la monter parfaitement avec, en plus, la gestion de changements territoriaux d'ampleur, c'est à dire la fusion des régions Auvergne et Rhône-Alpes, justifie-t-on. Le départ de la directrice de la culture, Isabelle Charbonnier, des services de la Région n'ont rien arrangé. Florence Verney-Carron attend avec impatience son nouveau directeur qui devrait arriver tout droit de la Drac Languedoc-Roussillon (Direction des affaires culturelles, représentante du ministère de la culture en région), où il a été conseiller théâtre.
Des coups de pouce spectaculaires
Parmi les premières décisions de Laurent Wauquiez, il y a eu celle-là : doubler la subvention du festival Jazz à Vienne, la faisant passer de 75 000 euros à 150 000 euros. Le Cosmo Jazz Festival, organisé par Alain Manoukian à Chamonix, bénéficiera d'une augmentation de subventions de plus de 250%. Comme Thierry Kovacs, maire de Vienne et président de Jazz à Vienne, celui de Chamonix, Eric Fournier, est un proche de Laurent Wauquiez (il est vice-président à la Région, en charge de l'Environnement). Le seul fait de prononcer le mot "clientélisme" irrite l'entourage du président : « La hausse donnée en pourcentage peut paraître impressionnante pour Cosmo Jazz mais, en réalité, on est seulement passé d'une aide de 5000 euros à une subvention de 11 000 euros. Ce qui n'est quand même pas beaucoup pour une ville comme Chamonix, car s'il existe un emblème de la région, c'est bien le mont Blanc. »
« Les critères technocratiques, c'est fini »
L'opposition à gauche fustige la fin des comités techniques de sélection, composés de différents acteurs culturels en charge de se prononcer sur les aides à fournir sur le territoire. Ils ont été supprimés dès l'arrivée de Laurent Wauquiez à la Confluence, pour des raisons budgétaires mais aussi de conception politique. Jean-François Debat, à la tête du groupe d'opposition socialiste au conseil régional, est atterré : « On n'a plus aucun critère ni aucun avis extérieur. Jusque là, l'élu fixait une ligne mais n'intervenait pas directement, afin de respecter la liberté de création. C'est une conception qui a été largement partagée depuis vingt ans, par tous les présidents. Désormais, avec Laurent Wauquiez, c'est : je paie donc je décide. Tout est de nature à être relié à des objectifs politiques. Le fait de ne pas expliquer, de mettre sous le boisseau les réactions des responsables associatifs et culturels nous indique qu'on est dans le fait du prince. »
Au cabinet du président LR, on confirme en effet que les temps ont changé à la Région : « Les critères technocratiques, c'est fini. Les personnes qui ont été élues sont là pour prendre des décisions, on leur a fait confiance pour cela. »
Des acteurs culturels dans le brouillard
Ils sont nombreux, les acteurs de la culture qui attendent des réponses. Des événements qui se tiennent cet été et qui avaient été jusque là été aidés par la Région ne sont toujours dotés d'aucune enveloppe (pour exemple : Cabaret frappé à Grenoble, Musiques en Stock à Cluses...).
Florence Verney-Carron a assuré au Syndeac qu'elle ferait tout, du haut de sa vice-présidence, pour que la coupe de 10% amputant le budget culturel ne soit pas plus lourde en 2017.