Hôtel de ville / "HDV" pour "Hôtel de Ville" désigne un spot de skate qui se trouve place Louis Pradel, dans le 1er arrondissement. Lyon aurait de quoi en être fière, du fait de sa réputation internationale, mais les élus de la Métropole ont décidé d'éloigner les skateurs de cet espace qu'ils fréquentent depuis 30 ans.
C'est un vaste projet de réfection et de pimpage des points stratégiques de la Presqu'île. Parmi ceux-ci, sur la colonne vertébrale de cet hypercentre urbain, on trouve la place Louis Pradel, là où une troupe de riders se donnent rendez-vous quasiment tous les jours, quelle que soit la météo.
Ils ont rebaptisé l'endroit "HDV" (pour "Hôtel de Ville", le bâtiment municipal se situant à deux pas), et depuis plusieurs mois les acteurs du skate fréquentant la place parlaient de rumeurs concernant le projet de les en chasser bientôt. Cela n'a plus rien d'un bruit infondé : le chantier sera lancé de manière imminente, pour être achevé au second semestre 2017. C'est indiqué en toutes lettres sur le dossier de presse listant les travaux à venir : « Insertion de dispositifs anti-skates. »
La Métropole de Lyon, après avoir fait la sourde oreille, a finalement reçu le collectif monté pour défendre le spot lundi dernier, faisant savoir à l'issue de ce premier rendez-vous que les propositions des skateurs seront étudiées.
« Un skateur lambda des USA, il connaîtra Lyon »
Dans les degrés de travaux que nécessitent les différentes zones, celle de la place Louis Pradel se place au sommet : c'est bien de « réparation » que l'on nous parle. Steeve Ramy, skateur lyonnais bien connu de ce petit monde hyperactif, reconnaissait il y a deux ans dans une interview à Rue89Lyon : « Il y a 15-20 ans c'était parfait pour skater mais, avec le temps, la place s'est dégradée, en partie à cause de nous il faut le reconnaître. Aujourd'hui, c'est même très compliqué, elle est vraiment éclatée ! » Tout le monde semble d'accord sur l'état des lieux.
Jérémie Daclin, autre figure du skate à Lyon (plusieurs fois champion de France) rappelle que de nombreuses villes dans le monde ont pris en compte la pratique du skate, Paris notamment avec la place de République ou encore Barcelone, si souvent désignée comme modèle à suivre par le président PS de la Métropole, Gérard Collomb.
Il y a deux ans, il disait : « Lyon est une capitale mondiale du skateboard. Vous prenez un skateur lambda des USA, il connaîtra Lyon. » Un rayonnement international de la ville, tel que le souhaite Gérard Collomb ? Dans un reportage diffusé au journal de France 3 il y a quelques jours, le jeune Aurélien Giraud explique que c'est à “HDV” qu'il souhaite continuer à s'entraîner pour les prochains Jeux Olympiques, où la discipline est désormais intégrée (depuis le mois d'août 2016).
La question du partage de l'espace public
Les élus mettent en avant le fait que la pratique a plusieurs fois été prise en compte, dans les projets urbanistiques récents de Lyon. Comme au parc Sergent Blandan qui a été récemment inauguré avec un skatepark, ou encore avant sur les berges du Rhône qui propose deux bowls très visibles. Autant de structures bien circonscrites qui n'ont pas les avantages d'un terrain de jeu plus incertain, celui d'une place publique, avec trottoirs longs, obstacles, marches d'escalier et courbes spécifiques.
« Les médias et la pétition ont beaucoup fait avancer les choses. On va avoir d'autres rendez-vous pour discuter. On va tenter de convaincre les élus de nous impliquer dans le processus de restructuration de la place en 2018 » explique Vincent Jugnet, l'un des membres du collectif.
La pétition en ligne lancée par le collectif pour « sauver HDV » a obtenu près de 12 000 signatures à ce jour. Parmi eux, JB Gillet, skateur professionnel qui déclare que « sans HDV », il n'aurait jamais réalisé un parcours aussi remarquable dans la discipline.
Si les skateurs quittent la place Louis Pradel, par qui sera occupée “HDV” ? C'est aussi l'un des arguments qu'avance Jérémie Daclin pour discuter avec les pouvoirs publics à Lyon : « Un public pas nécessairement plus plaisant » aux yeux des autorités. Pas de quoi convaincre David Kimelfeld, vice-président PS à la Métropole en charge de l'économie : il considère que les skateurs doivent notamment laisser la place aux touristes, « qui n'étaient pas aussi nombreux il y a trente ans » à Lyon.