Scène Découverte / Passablement dans la panade financière depuis 2015, Le Croiseur s'octroie une nouvelle vie grâce à sa reprise par Romain Blachier. Celui qui est parallèlement élu à la mairie du 7e nous explique ce nouvel épisode de la Scène Découverte danse.
En 2015, la DRAC retire ses subventions (37 000€ par an), puis la région ne se positionne plus vraiment.... Comment regardez-vous alors cette situation qui se dégrade ?
Romain Blachier : C'est très particulier, car j'apprends le retrait de la DRAC alors que je fête mon anniversaire au Croiseur, que j'avais loué pour l'occasion le 23 juillet 2015. On pensait avec le directeur Didier Vignali que le dialogue allait reprendre. J'ai tout fait en ce sens mais ça s'est très mal passé. La Région, qui donnait 25 000€/an, ne donne plus que la moitié. On ne sait pas quelle sera la suite, d'autant que je ne suis pas toujours très tendre avec la vice-présidente à la Culture dans mes éditos de Lyon Mag. À un moment, Laurent Wauquiez a fait une offensive sur toutes les petites salles : comme ça, personne ne s'est révolté, c'est plus simple que s'il enlève Nuits sonores ou Jazz à Vienne. Florence Verney-Carron n'était même pas au courant. Bref, Didier, en mars, vient me voir en me disant qu'il doit dissoudre l'association présidée par Christian Jeulin (NdlR : également directeur commercial du Petit Bulletin) en me demandant si je veux reprendre l'affaire.
Comment ça se met en place ?
Je monte une association dont je suis président. Je dois emprunter 5000€ qu'aucune banque ne veut me prêter, étant donné les faillites précédentes. La Ville de Lyon est au bord de retirer sa subvention (50 000€/an), car elle estime que les critères danse sur lesquels la salle est conventionnée sont discutables. Didier a la bonne idée de proposer à la compagnie de danse Désoblique, jusque-là implantée à Oullins, de venir ici. Ce qui est chose faite. L'école est en place et fait un peu de diffusion aussi. Ça nous permet de rentrer à nouveau dans le cahier des charges danse de la DRAC.
L'école de la Scène sur Saône créée en 1997, deux ans avant Le Croiseur, est toujours dans les murs ?
Oui et c'était compliqué au printemps de se lancer dans un crowdfunding, précisément pour ne pas effrayer les futurs élèves. Du coup, on décide de séparer l'activité de l'école de théâtre – dont Didier Vignali reste directeur – de l'activité de la salle. On continue bien sûr à être une école de théâtre (cf. Vincent Dedienne en page 14, passé par là), on est désormais aussi une école de danse et on continue à organiser des soirées. On va essayer d'ouvrir à des compagnies plus extérieures au lieu, car souvent ça fonctionnait en autarcie avec les spectacles de ceux qui avait été formés là. On s'est aussi entouré volontairement d'une personne qui ne vient pas de la culture mais de l'événementiel, Julien Mathon, et de Bastien Thibaudat de la péniche Le Fargo.
Comment ça fonctionne maintenant financièrement ?
L'ancienne association avait 80 000€ de dettes qui se sont effacées avec sa dissolution et la mise en liquidation du théâtre. Mais pour l'instant, je n'ai pas d'argent. J'attends le deuxième versement de la Ville, qu'elle s'est engagée à faire. Je rencontre les salariés un par un. On se débrouille avec les intermittents, mais je ne sais pas comment je paye les deux salariés. On veut sortir d'un modèle qui ne repose que sur la subvention : on bénéficie du loyer de Désoblique, de celui de la Scène sur Saône. Mais il faut qu'on génère de la valeur ajoutée, donc on fait de l'événement avec Réso dans la semaine. Il y a eu une soirée électro le 23 septembre. Mais trop de gens avaient tendance à se servir sur la bête jusque-là. Des collectifs venaient en donnant trois clopinettes au Croiseur et dégageaient de la marge sans que le lieu en bénéficie...
Quelles seront les orientation du lieu à l'avenir ?
Danse et théâtre. Et vu mon profil, on va d'autant plus être surveillé pour voir si on respecte les critères de la Ville. Au début, Georges Képénékian était hostile à ce que je reprenne ce lieu par peur d'un mélange des genres – alors que je suis bénévole. Mais là ça va. J'ai eu très vite le soutien de Myriam Picot. David Kimelfeld a aussi donné son accord. Et Loïc Graber, issu du 7e comme moi, a je pense une sensibilité pour ce lieu. Mais je ne suis pas sûr que le milieu politique et notamment les gens de mon camp le voient très bien. Cette aventure interroge la place laissée à l'émergence : c'est très difficile à Lyon. Au Croiseur, nous avons le rôle d'offrir une possibilité de départ à des jeunes compagnie de danse et de théâtre.
opération leetchi : https://www.leetchi.com/c/solidarite-de-le-croiseur
Le Croiseur
Salle créée en 1999, d'une jauge de 97 places sur une surface totale de 1100 m².
Appartient au réseau des Scènes Découvertes (fléchée danse) depuis 2005 avec un financement Ville/Région/État. La DRAC s'est retirée en 2015.