Musée d'Art Contemporain / Récemment nommée à la tête du Musée d'Art Contemporain et de la Biennale d'Art Contemporain, Isabelle Bertolotti nous fait part de ses projets et de ses grandes lignes directrices. Où l'on apprend que les anciennes usines Fagor-Brandt pourraient accueillir des expositions après la Biennale et que Nuits sonores va investir le MAC pour un concert.
Début mars, le musée inaugurera un ensemble d'expositions et d'événements autour de la thématique du son. C'est votre premier acte de programmation en tant que directrice du MAC. Quels en sont les enjeux ?
Isabelle Bertolotti : Je souhaite que les expositions du musée soient regroupées de manière simple et lisible pour le public autour d'une thématique. Cela permet de montrer nos collections sous un certain angle (en mars avec des œuvres de David Tudor, Terry Riley, Le Monte Young...) et d'inviter de jeunes artistes, tout en ouvrant un champ interdisciplinaire (arts plastiques, musique, performance, concerts, conférences...). Avec cette thématique du son, on peut cheminer de la méditation minimaliste expérimentale de La Monte Young à la communauté de relaxation ASMR qui se développe de manière exponentielle aujourd'hui sur le Web. Des liens se tissent entre l'art, des faits de société, de nouveaux modes de vie et de pensée.
Nous invitons Nuits sonores pour un concert, le dessinateur de Walking Dead pour une collaboration avec un créateur son... Pour utiliser un terme à la mode, je crois en la sérendipité : cette façon d'évoluer et de penser par ricochets, par ouvertures non linéaires...
Ouvrir le musée autant que les cheminements du public et les disciplines semble être une direction forte dans votre programmation ?
Oui, avec Storytelling et sept artistes invités à produire des pièces sous forme de cadavre exquis, le public pourra découvrir ce qu'est le montage d'une exposition, le processus de création, comment les artistes travaillent... J'interroge aussi, à travers cette initiative, le statut d'un musée : est-ce un lieu où l'on vient découvrir une fois une exposition pour n'y revenir qu'à la suivante, ou bien peut-on au contraire imaginer que les gens reviennent à différents moments ?
Le troisième étage aura vocation à devenir un espace collaboratif avec la cité, d'autres structures, des associations. En changeant aussi la configuration de l'accueil, nous allons dégager au rez-de-chaussée un nouvel espace voué à des rencontres informelles autour du grand canapé de Bernard Venet, ou à des cycles thématiques (le premier sera consacré au hip-hop et organisé par des acteurs régionaux qui en sont à l'initiative). Je souhaite faire entrer au musée des acteurs qui ne sont pas habituels, toucher à des problématiques sociétales larges.
Ouvrir, cela ira aussi avec des périodes de fermeture du musée moins importantes entre deux expositions ?
Oui, nous allons expérimenter une ouverture estivale, et réduire les durées de fermeture, notamment grâce à l'espace de rencontre et de collaboration du hall d'entrée, des formes diverses de liens entre les artistes au travail et le public, la volonté que ce dernier revienne pour différentes occasions... Ouvrir le musée vers l'extérieur, faire essaimer l'art ailleurs (sur le modèle de Veduta lors des Biennales, où des artistes travaillent dans différents quartiers de la métropole). Enfin, je voudrais multiplier les connexions avec des structures aux dimensions différentes : du musée à l'association, en passant par les centres d'art de la région.
Une connexion qui vous est imposée, c'est le "pôle musées d'art" avec le Musée des Beaux-Arts...
Ce pôle est une chance et une opportunité pour la transversalité entre les deux musées, ses deux collections, ses deux cultures. Il sera possible d'imaginer de grandes expositions en deux parties dans les deux musées. Ou bien d'entremêler nos collections pour une même exposition avec des perspectives historiques larges. Au mois de juin, il y aura un nouvel accrochage des salles du 20e siècle du Musée des Beaux-Arts avec des œuvres appartenant aux collections du MAC.
Ce pôle constitue une force à l'international : pour des coproductions d'expositions avec les musées étrangers, des prêts d'œuvres...
Vous êtes aussi à la tête de la Biennale d'Art Contemporain, quelles en seront les nouveautés ?
Le commissariat de la 15e Biennale a été confié à l'équipe du Palais de Tokyo pour une édition qui sera consacrée au thème large du paysage, avec une cinquantaine d'artistes internationaux. La Biennale aura lieu au Mac et aux anciennes usines Fagor-Brandt dans le 7e arrondissement, déjà investies par Nuits sonores. On démultiplie ainsi les surfaces d'exposition avec les quelque 29 000 m² des usines. J'aimerais qu'ensuite ce lieu soit pérennisé : il pourrait accueillir de grandes expositions, on pourrait y montrer nos collections tout au long de l'année, et organiser des performances, des spectacles de danse, des concerts...