Kurt Vile a une petite manie, celle d'amputer les titres/paroles de ses chansons de certaines de leur lettres comme on retranscrirait une oralité ou un accent. Ainsi son Wakin(g) on a pretty daze ouvrait-il l'album du même nom. Pretty Pimpin(g), l'histoire d'un type qui ne se reconnaît plus dans le miroir et décide de s'arranger un peu, invite cette fois à entrer dans b'lieve i'm goin down, sur lequel Vile semble revoir ses ambitions à la baisse (ce qui reste à prouver).
C'est anecdotique, mais cela traduit merveilleusement ce qui fait tout le charme et la grandeur de la pop de Kurt Vile, son homophonie fameuse, ses cheveux jamais coupés, ses mélodies faussement mal attifées : une sensation d'inachèvement, une sorte de tantalisme qui fait que lorsque l'on croit toucher au moment de grâce, il fait un pas de côté ou de recul, lentement, si lentement que l'on a pourtant tout loisir de le voir venir.
Comme une course à la défonce qu'aucune descente ne viendrait pénaliser, on court après les morceaux polymorphes de Vile sans jamais avoir aucune chance de les attraper, sans jamais toucher à la satisfaction ultime qui finirait par nous détourner de lui.
La pop de Kurt Vile est un art du presque, du "je n'ai touché à rien" aussi Dylanien que Youngien, une musique ouvragée qui ne voudrait pas être tout à fait prise au sérieux, un éloge de la paresse psychédélique. Voire, sur b'lieve i'm goin down, à mesure que l'album se déroule, un véritable yoga de l'effacement et du ravalement (dans tous les sens du terme) de soi.
Kurt Vile & The Violators [+ Lushes]
À l'Épicerie Moderne samedi 21 novembre