Moondog : le Dernier Viking

Moondog : le Dernier Viking
Moondog

Théâtres romains de Fourvière

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Nuits de Fourvière / À la suite des grands hommages fourvièrien consacrés à des figures mythiques de la musique contemporaine (Beatles, Waits, Wyatt...), les Nuits se penchent cette année sur l'un des musiciens les plus énigmatiques et influents du XXe siècle : Moondog, aka le Viking de la VI avenue.

Quand une légende commence, elle est souvent précédée de beaucoup d'autres. Or, quand Louis Hardin plus connu — même si c'est beaucoup dire — sous le nom de Moondog, naît en 1916, la légende familiale est déjà en marche et elle pourrait s'arrêter là. Son grand-cousin n'est autre que l'outlaw américain John Wesley Hardin, qui donnera son titre et une chanson à un album de Bob Dylan et passa 17 ans en prison pour meurtre à la fin du 19e siècle, avant d'être assassiné à El Paso. C'est dans cette culture parfois un peu schizophrène de l'ouest américain que baigne Louis, entre Kansas, Wyoming et Idaho : son père, pasteur épiscopalien, lui fait rencontrer un jour Yellow Calf : un chef indien arapaho qui l'initie au tambour en peau de buffle lors d'une danse du soleil.

C'est probablement là que le rythme entre sous la peau du jeune garçon s'initiant ensuite à la batterie. À 16 ans, un accident digne d'un western — un bâton de dynamite trouvé sur une voie ferrée lui explose au visage — lui coûte la vue et le jeune homme navigue entre autodidactisme et institutions pour aveugle. De fait, toute sa vie sera ainsi positivement tiraillée entre underground et académisme : installé à New-York (qu'il quitte quelque temps par crainte du péril atomique), il y fréquente la rue et les grands hôtels, les cloches et les grands compositeurs du siècle (il rencontre Stravinski et Ravel), se livre à des recherches expérimentales de son crû sur le rythme et l'ondulation baptisée « snaketime », tout en étudiant avec soin Bach et Mozart.

Moondog's Corner

Ses premiers enregistrements paraissent au tournant des années 50 (Snaketime Rhythms, Moondog's Symphony, Organ Round, Oboe Rounds) mais c'est bien au "Moondog's corner" à l'angle de la 54e rue et de la 6e Avenue (nom fantôme d'une travée rebaptisée en 1945 Avenue of the Americas, ce qui va si bien à Moondog) à Manhattan que grandit la légende de celui qui s'est rebaptisé Moondog en hommage au chien de son enfance qui hurlait à la Lune.

Il y joue ses morceaux — avec des instruments de sa fabrication, baptisé Yukh, Oo, Trimba —, récite des poèmes, fait la manche, vend des ceintures en cuir et y fait la connaissance du jazz par le biais de Charlie "Bird" Parker en hommage duquel il composera son fameux Bird's Lament (que chacun a déjà entendu mille fois, sans forcément savoir qui l'a écrit).

Le "corner" n'est alors plus seulement celui de deux artères new-yorkaises, il est aussi celui de la musique sacrée (Bach essentiellement) et du paganisme. Car ayant perdu la foi, après la vue, Moondog sans se départir de ses influences amérindiennes a embrassé la mythologie nordique jusqu'au bout des poils et des cornes : tout cela, et le mythe lui doit aussi beaucoup, Moondog le fait en arborant en plein Manhattan barbe de deux pieds de long, cape, casque de viking et même une lance.

« Moondog n'est plus »

Les années 50 sont particulièrement productives et un style naît véritablement, aspirant musiques traditionnelles de toutes sortes, classique et jazz, et surtout inspirant les minimalistes (Philip Glass et Steve Reich en tête), Moondog rejetant ce terme pour lui-même. Influençant de la sorte, par son style de vie notamment, les beatniks et la musique pop, il les déteste très vite. Car Moondog se considère avant tout comme un héritier de Bach et réalise sans doute un grand rêve lorsque Columbia lui permet d'enregistrer ses premières œuvres avec grand orchestre : Moondog (1969) et Moondog 2 (1971).

S'ensuit une longue période allemande, pendant laquelle l'Amérique le croit mort — « Moondog n'est plu » déclarera en direct Paul Simon à la télé — alors qu'il compose certaines de ses œuvres majeures, cocooné par sa compagne Ilona Goebel : Moondog in Europe ou H'art Songs (album chanté qui rappelle un peu les comptines de Robert Wyatt et où figure un hommage à son aïeul desperado) ou le diptyque Cosmos, canon d'une durée de neuf heures prévue pour 1000 musiciens et évidemment jamais jouée.

La fin des années 80 voit une reconnaissance plus publique avec les Transmusicales, où il rencontre Stephan Eicher — qui devient l'un de ses amis, travaille avec lui et contribue à diffuser son œuvre en Europe —, le festival de Montreux, un hommage new-yorkais mené par Glass en 1989, des invitations d'Elvis Costello...

Décédé en 1999 à 83 ans, à Münster, Moondog aurait eu 100 ans cette année. Cet amateur de sample qu'il voyait comme l'outil contrapuntique ultime (Bach toujours), aimait à répéter « Chaque aujourd'hui est le lendemain d'hier qui est notre présent », formule magique d'éternité, battant le fer de la légende tant qu'il reste des braises.

Moondog - Un hommage au Viking de la 6e Avenue
Avec Dominique Ponty, Stephan Eicher, Katia Labèque, Marie-Agnès Gilot, Raphaël Imbert, Stefan Kakatos, l'orchestre de l'Opéra de Lyon et l'ensemble Minisym

Au théâtre Antique de Fourvière le samedi 11 juin, dans le cadre des Nuits de Fourvière

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