Food Court / L'institution gastronomique du Vieux Lyon, franchement rajeunie, se transforme en festival permanent de street food.
Les petits panneaux destinés aux touristes perdus indiquent encore La Tour Rose. Il faudra bientôt rajouter "2.0" : l'institution prestigieuse n'est plus. Depuis le départ de Philippe Chavent, qui fit beaucoup dans les 90's pour ne pas laisser la gastronomie lyonnaise s'encroûter, elle allait de mal en pis. Mais la voilà rénovée ! Et scindée en deux entités : MiHotel gérant 14 suites, à mi-chemin entre l'appart' et l'hôtel, et donc le Food Traboule. Qu'est-ce ? Un food court, une "aire de restauration", comme on en trouve dans la plupart des grandes métropoles (genre le Mercado da Ribeira de Lisbonne ou le Grand Central Market de L.A.), habituellement dans d'anciennes halles ou hangars. Ici c'est un food court "à la Lyonnaise" donc fier de son passé. Notez : on est à la fois en plein cœur du quartier Unesco, dans les murs d'un ancien étoilé Michelin, lui-même dans la rue (du Bœuf) la plus étoilée de France.
L'Ovni a été baptisé en grande pompe ce mardi 14 janvier. On aurait dit qu'on inaugurait la Cité de la Gastronomie, la vraie — celle de l'Hôtel Dieu n'étant en fait qu'un leurre virtuel. Il y avait outre les politiques en campagne, tous les auteurs et autrices de ce qui se fait de mieux en matière de nourriture lyonnaise contemporaine (les chefs de Monsieur P, La Bijouterie, le Kitchen Café, Jérémy Galvan, etc.). Tous venus soutenir leurs camarades Ludovic et Tabata Mey (de l'excellent resto Les Apothicaires) qui ont fomenté ce délire, où l'on picorera la street food d'une génération « qui veut s'éclater tout en faisant plaisir à travers une cuisine décomplexée et accessible » (dixit le communiqué de presse).
À tremper dans la mayo homard
Instagram ayant aussitôt débordé d'images de la déco léchée (signée Collectif Saône), de l'impressionnante verrière, et de nourriture appétissante en gros plan, l'espace de 660m2 était blindé à toute heure de la première journée d'ouverture. On a quand même pu attraper un plateau noir et le garnir de quelques plats. D'abord les petites assiettes produites par le corner des patrons (Les Apothicaires) : de bonnes idées (raclette, arancini, soupe de potiron, burrata) théoriquement bousculées par des assaisonnements orginaux (dans l'ordre : levure toastée, mayo fumée, thé noir, sauce chimichurri). Tentative équilibriste qui avait un peu de mal à garder ses appuis — en cause, des détails dits fondamentaux (température, portions, assaisonnements). Ça devrait être vite réglé. Comme le sont les pizzas d'à-côté, à la farine napolitaine, pâte fermentée 48h, produits tops, four high-tech, prix tenus.
Mieux encore, et très malin : le grand comptoir géré par le Bistrot du Potager qui s'amuse avec les lyonnaiseries. Les quenelles se présentent en frites, à tremper dans la mayo homard. Le tablier de sapeur se déguise en nuggets. Ou l'andouillette en kebab (il doit y avoir une coquille, on comprendra "gyros"). Et même les végét' se pourlèchent d'une sorte de tacos au chou-fleur rôti et houmous de cacahuète pimenté. Côté sucre, on peut rebouger, direction la Baraque à Sucre et un sympathique dessert façon Forêt Noire. À noter aussi, parmi les restaurateurs émérites enrôlés dans cet ambitieux projet, Hubert Vergoin du Substrat qui propose de drôles de galettes de pain et gaufres salées. Il faudrait parler des autres stands, aux propositions un peu plus classiques (burger, lobster roll, salades, fritures, etc.), mais on préfèrera clôturer sur ceci : l'engagement de Tabata et Ludovic n'est pas seulement managérial et financier. Avec l'aide de Forum Réfugiés, huit personnes exilées ont été embauchées en CDI. L'ensemble du lieu est engagé par ailleurs dans une démarche zéro déchet, avec notamment l'installation d'un composteur sur place. Exemplaire.
Food Traboule
22 rue du Bœuf, Lyon 5e
Non-stop de 11h à 23h (20h le dimanche) ; fermé le lundi