Avant qu'il ne présente la semaine prochaine le très acrobatique et in fine émouvant Tu tiens sur tous les fronts, sur un texte de Christophe Tarkos avec Hervé Pierre de la Comédie Française et Pascal Duquenne du Huitième jour, Roland Auzet, directeur du Théâtre de la Renaissance, fait un grand écart comme il les aime (et sait les faire) avec Aucun homme n'est une île, fable de Fabrice Melquiot confrontant un personnage de synthèse, Oscar, à un jeune adolescent bien réel, Jacques, incarné par le grand comédien Julien Romelard. Au plateau, c'est un déluge d'artifices technologiques qui s'abat sans que jamais l'humanité des personnages ne passe à la trappe.
La pièce s'ouvre majestueusement sur d'immenses yeux se dessinant sur une toile en avant-scène. Oscar se réveille. Commence alors un dialogue d'autant plus animé que lui et Jacques s'entichent d'une même fille, laquelle traverse virtuellement la scène dans une robe rouge éclaboussant un univers sombre et bleuté. Jacques est seul sur son île, ou plutôt son no man's land (ça peut être sa maison, une cour d'école...), enfermé dans son espace mental.
Oscar existe-il autrement que dans sa tête ? Ne symbolise-t-il pas le réel coincé dans une matrice ? S'appuyant sur le graphisme et le principe des jeux vidéo que tous les enfants ont aujourd'hui entre les mains (qui manipule qui ? Qui tient tient les manettes ?), Melquiot interroge pertinemment un fait très actuel, la place de l'individu et du réel dans un monde de plus en plus dématérialisé, en empruntant pourtant son titre au poète anglais du XVIIe siècle John Donne.
Nadja Pobel
Aucun homme n'est une île
au centre culturel Théo Argence, vendredi 8 février