Il est des mises en scène plus novatrices que celle du jeune metteur en scène Benjamin Lazar, qui s'évertue à faire jouer des textes classiques à l'ancienne. Reste qu'avec "Pantagruel", il le fait extrêmement bien.Nadja Pobel
De Benjamin Lazar, on avait entendu dire qu'il éclairait ses plateaux à la bougie, comme sur son Pyrame et Thisbé, passé par le TNP l'an dernier. Ce peu d'information disait déjà l'exigence du metteur en scène vis-à-vis de son public, de la concentration requise pour pénétrer ses univers. Avec Pantagruel, il ne déroge pas à son esthétique, même si les bougies ont été troquées contre un projecteur portatif.
Le plateau est nu et il fait nuit. Apparait un homme massif, comme sorti d'une caverne, un gros paletot sur le dos. Une peau d'animal ? Non, un manteau de cordes et paille tissées qui produit un effet de robustesse mêlée de rusticité. Il est Gargantua, vient d'avoir un enfant, minuscule pour l'instant, Pantagruel, et de perdre sa femme en couche. Avec sa grosse voix, il réveillerait un mort, ses larmes et ses pleurs sont exagérés comme dans un cartoon. Pourtant s'installe déjà une langue, laissée en l'état et finalement beaucoup plus simple à ingurgiter à l'oral qu'à l'écrit.
Appétit monstre
Incroyable comédien, Olivier Martin-Salvan porte les personnages de Rabelais avec un savoir-faire qui n'est pas donné au premier velu. Non seulement il est capable de régurgiter ces mots du Moyen-Âge sans les obscurcir mais il sait aussi s'en amuser et trouver un peu de légèreté gestuelle, sautant parfois comme un cabri dans un dédale d'objets tour à tour détournés, comme dans la truculente Jeanne de Delteil (avec Juliette Rizoud).
À ses côtés, des Simon and Garfunkel des temps baroques font plus que l'accompagner au luth et au cornet à bouquin (un instrument à vent du XVIe siècle) : ils contribuent à lui donner chair, prolongeant ses cris ou devançant son récit à la fois instinctif et éclairé, populaire et érudit. Dans un final inattendu et fantasmagorique, de drôles de bêtes font leur apparition et finissent par enchanter ce spectacle brut, abrupt et, in fine, impressionnant.
Pantagruel
Au TNP jusqu'au samedi 20 avril