Il est la star que toutes les scènes d'Europe s'arrachent depuis plus de dix ans. Et pour cause, Thomas Ostermeier dépoussière avec génie tout ce qu'il touche. Mais avec "Les Revenants", en s'attaquant pour la première fois à un travail en français dans le texte, il semble – momentanément - s'assoupir sur ses lauriers. Nadja Pobel
La présentation d'un travail de Thomas Ostermeier est toujours un événement, quand bien même il n'est plus aussi rare qu'auparavant. Habitué à monter deux à trois créations par an à la Schaubühne, le théâtre berlinois qu'il dirige depuis quatorze ans, ou dans des festivals internationaux, il a l'an passé franchi le pas de la mise en scène en français, langue qu'il parle couramment. Un exercice que bien des salles lui réclamaient depuis déjà longtemps, et auquel il semble s'être plié, à première vue, avec un enthousiasme modéré, piochant à nouveau dans le répertoire de son auteur fétiche, Ibsen, dont il monte là une sixième pièce. Un texte qui certes a fait scandale à son époque au point d'être interdit, mais qui se révèle plus psychologisant, moins politique que ne le sont les glaçants Hedda Gabler et Maison de poupée ou l'époustouflant Ennemi du peuple.
Une maison de trompés
Comme à son habitude, Ostermeier modernise cette histoire sombre et intime d'une famille qui se disloque (le pire qui puisse arriver dans la classe bourgeoise, selon Ibsen), mais sans aller cette fois jusqu'au bout de son idée, ne donnant par exemple pas d'indications temporelles claires. Difficile en effet de dater la période dans laquelle il inscrit ce récit – traduit par Olivier Cadiot – ou de s'imaginer le décor intérieur de la maison de ces revenants là où, dans les précédents spectacles, tout était explicite, pertinent et limpide.
Thomas Ostermeier a cependant un savoir-faire tel et autour de lui une équipe si compétente et fidèle que la pièce tient tout à fait la distance, notamment par le recours à des procédés avec lesquels le metteur en scène déjà beaucoup expérimenté (projections de vidéos, plateau circulaire en rotation quasi-permanente signé par son éternel scénographe Jan Pappelbaum)... mais qui montrent aussi leurs limites, ces atours ne valant que si le propos les justifie. Or ce n'est pas toujours le cas ici.
Reste enfin deux comédiennes excellentes, l'une en devenir (Mélodie Richard) et l'autre, une des plus importantes dans le théâtre français de ces quarante dernières années, Valérie Dréville. Teint blafard, presque absente, elle occupe tout l'espace et donne paradoxalement, avec un rôle d'une infinie tristesse, toute son énergie à une pièce qui en manque parfois.
Les Revenants
Aux Célestins, du mardi 18 au samedi 22 mars