Avant d'être le metteur en scène de "Belgrade" et quelques autres pièces du collectif de La Meute, Thierry Jolivet, pas acquis au départ à la cause théâtrale, s'est formé au métier d'acteur. Portrait.
Thierry Jolivet voulait faire des films. Il a d'ailleurs suivi des études de lettres et de cinéma. Des désirs d'une jeunesse pas si lointaine (il est né en 1987) dont il ne s'est pas tant éloigné en devenant metteur en scène de théâtre. Parce qu'il ne «connaissait rien à l'acteur», il s'est confronté et collé lui-même au plateau en frappant à la porte du Conservatoire de Lyon. C'est là que se forme La Meute, collectif qui réfute ce terme employé à tout-va dans le théâtre contemporain, bien qu'il dise parfaitement l'envie de ses membres de travailler ensemble.
Thierry Jolivet n'est ainsi pas le seul à diriger leurs spectacles, les rôles tournent. Quand il pilote (Les Foudroyés, Le grand Inquisiteur, Les Carnets du sous-sol, Italienne, Belgrade depuis 2010), il ne joue pas. Mais il fait le comédien dans leurs autres productions. Et exclusivement chez Laurent Brethome (qui enseigne l'art dramatique au dit Conservatoire), notamment dans sa version décapante et délocalisée dans des docks des Fourberies de Scapin.
La lecture de Dante, Dostoïevski, Maïakovski, Carrère, Bolaño ayant soudé cette troupe, le théâtre est pour elle un «terrain de jeu, un système trouvé par hasard pour se confronter à l'énormité de (leur) désir.» Un sentiment qui se double d'une ambition assumée, de celles qui justifient l'entreprise même de ses créations : construire «une maison commune».
Dans une lettre particulièrement émouvante devenue une feuille de route (voir sur le site de La Meute), Thierry Jolivet tente de résumer ce travail. Dépourvu de pponctuation, ce texte laisse, comme Belgrade, à bout de souffle, épuisé mais heureux d'avoir rencontré à la fois une forme d'altérité à nulle autre pareille («le sel absolu» comme nous le confiait récemment Arnaud Desplechin) et une fraternité : «L'humanité a inventé de prendre la parole dans le désert et c'est un miracle absurde auquel personne ne comprend rien, un miracle que nous choisissons de reconnaître et de célébrer, en travaillant, dans la soif et l'incertitude.»
Nadja Pobel