Primés en 2014 par les prestigieuses Journées des auteurs de Lyon, Les Enivrés de Ivan Viripaev sont l'occasion de plonger dans l'œuvre d'un très prolixe auteur (dramaturgique) et réalisateur (de film) russe de 42 ans. Ce Sibérien est désormais installé à Moscou, où il a même co-fondé Teatr.doc, le centre de la pièce nouvelle et sociale.
En choisissant de monter une pièce si contemporaine, Philippe Clément, le directeur du théâtre de l'Iris, a la bonne idée de nous décentrer de la France et d'oser jouer avec sa troupe sur un mode alcoolique constant. Les propos de Viripaev sur la Russie ne sont pas directement politiques, mais il met en place des personnages imbibés qui, par leur déchéance, disent à quel point la boisson (additionnée d'une kyrielle de jurons) est leur seul salut. Des couples amochés, un directeur de festival de cinéma, une prostituée... tous pansent leurs plaies sur l'épaule de l'autre, même si cette dernière est bancale : au moins, elle existe. Si leurs prénoms s'intervertissent, c'est que le mal-être russe n'a rien à voir avec la classe sociale : il est partagé par tous.
Avec un juste mélange des genres (vidéos et très beaux dessins d'Étienne Leplongeon faisant office de scénographie), les comédiens enchainent aisément des séquences que l'on dirait échappées d'un Karl Valentin cabossé. Si l'accent russe n'était pas nécessaire à la bonne transmission de ce texte et si des coupes eurent été utiles (deux heures avec des acteurs parlant très fort, comme les alcooliques qu'ils interprètent, c'est un peu long), il n'en demeure pas moins que la bande de l'Iris a su restituer avec talent des situations absurdes et désespérées traversées par une virulence envers l'Église et les pseudo-puissants. NP
Les Enivrés
Au théâtre de l'Iris jusqu'au samedi 26 mars