Il est des surprises qui dans l'atonie théâtrale automnale ravissent. Regardez la neige qui tombe... est de celles-là. Le comédien et metteur en scène Philippe Mangenot nous avait déjà cueilli avec sa version de Chaise de Bond ou Hamlet. Courtes, percutantes et sans fioritures : ses créations se font au scalpel, sans être brutales pour autant. Elles sont justes.
Il poursuit son compagnonnage avec André Markowicz, traducteur de Shakespeare et aussi de toute (ou presque) l'œuvre de Tchekhov avec Françoise Morvan. Mangenot, en une heure à peine, raconte la vie brève de Tchekhov (mort à 44 ans), ses amours, ses études de médecine, son engagement auprès des bagnards de Sakhaline, son prix Pouchkine tout juste obtenu. Et ses écrits, magistraux, résonnent avec Platonov, L'Ours, La Mouette ou Oncle Vania.
L'immense force de ce travail est de détruire immédiatement le quatrième mur sans le brandir en étendard. Le spectacle ne prend pas le temps de s'installer. Il est là. C'est naturellement que la comédienne, épatante, Rafaele Huou, s'adresse à son partenaire de jeu, et régisseur au fond de la salle, Mangenot lui-même. Alternant avec brio et clarté les rôles (Tchekhov lui-même, son ami Tikhonov, son épouse...) et une mise en abîme sur sa propre partition d'actrice.
Elle rend Tchekhov infiniment vivant ; la somptueuse chanson de Barbara qu'elle fredonne, La Solitude, donne plus de relief encore à cet écrivain majeur. « Ne pas rajouter de la poussière sur la scène » entend-on dans cet acrobatique et fluide montage de textes ou encore « t'installes pas dans une seule émotion. » C'est peu dire que cette entreprise est réussie, aussi humble que sérieusement menée. Et, in fine, poignante.
Regardez la neige qui tombe...
Au théâtre des Clochards Célestes du 20 au 24 décembre