Café-Théâtre / Dans un one-man-show d'un seul tenant ou presque, Jacques-Henry Nader ose le rire incorrect et réhabilité la langue française dans un même élan. Explications.
C'est de bonne guerre : lui (l'artiste) en haut, et nous (le peuple qui s'est délesté de quelque argent) en bas. Et il nous snobe. Ne surtout pas croire qu'on est égaux ! Ce serait mentir. Et Jacques-Henry Nader, même s'il bombe le torse en entame de spectacle, n'a pas l'intention d'adoucir les angles face à ce public qu'il suppose peu malin et à qui il va falloir expliquer les choses. Ne cédant pas au rythme de la succession de sketchs, Jacques-Henry Nader se lance dans une longue séquence qui, au départ, manque de structure et comprend quelques attaques très politiquement incorrectes et drôles visant les handicapés, les racistes, une explication sur son nom et donc ses origines mi-versaillaises (par sa mère) mi-libanaises (par un ami de sa mère).
Mais peu à peu, et ça va crescendo tout au long de sa performance, il trouve un tempo plus solide avec des propos de plus en plus grinçants voire engagés (la solidarité entre riches et les pétitions signées au stylo Mont-Blanc). Si ce one-man n'est pas une satire de l'actualité, cette dernière transparaît tout de même comme une fille mal élevée qui ne peut s'empêcher de la ramener avec, entre autres, la réhabilitation du « connard » qui, au hasard (ou pas) « se présenterait aux élections ».
Portrait chinois
Avocat de métier, Jacques-Henry Nader qui a créé ce seul en scène en 2015 et n'a cessé de le peaufiner, transformer (au moins la moitié) n'est pas adepte que de bons mots, mais aussi de l'écriture elle-même qu'il a toujours pratiqué : à l'école, dans des fanzines universitaires, en plaidoirie et maintenant sur scène. Place aux alexandrins pour continuer à élever son auditoire avec moquerie bienveillante. Ce n'est pas tant ce qui est dit que la manière dont ces tirades viennent ponctuer le spectacle qui leur donne une légitimité. Ce n'est pas donné à tout le monde de savoir les placer dans ce type d'exercice.
Si Nader y parvient, on peut sans doute le créditer à son directeur artistique Mohamed Brikat, par ailleurs acteur très en verve et tout terrain dans des classiques de Molière ou avec le contemporain Les Oranges d'Aziz Chouaki. À force de jouer des niveaux de langage, le comédien finit par savamment les mêler, parlant d'un « réflexe mi-pavlovien misanthrope », quand il cherche la différence entre politique et pornographie. Et soudain, le nom de Frédéric Lordon est prononcé quand celui d'Estrosi est égratigné. Et ce n'est superflu.
Jacques-Henry Nader, Moi, beau et méchant
Au Boui Boui chaque lundi jusqu'au 26 juin