Théâtre / Transposant Huis clos dans un nightclub, Olivier Rey utilise au mieux son espace incongru et donne une nouvelle fraîcheur à un texte vieillissant.
Que faire dire encore à ce Huis clos que Sartre écrivit en 1944, juste avant son essai L'Existentialisme est un humanisme ? Ils sont trois à débarquer en Enfer, des morts plus que vivants qui ne cessent de se chercher des noises – ou de se séduire mais c'est la même chose : ils empiètent sur l'autre. Estelle assume son infanticide au nom de sa liberté avec une aisance qui n'a rien d'exagéré ; Garcin, dans une volonté de tout contrôler, se jauge à l'aune de ses deux congénères et se heurte à ce que son sexe ne soit pas avec évidence le plus fort. Inès n'a pas besoin de revêtir un tee-shirt légèrement connoté pour que son homosexualité affirmée ne suscite le rejet puis la curiosité.
Les trois comédiens, tous parfaitement en place, y compris Mariek Sergent – dont ce n'est pas le métier : elle est la Tatie Charby qui anime vos nuits, notamment au Lavoir – mènent avec brio ce bal pas si mortuaire que cet au-delà ne le laisse supposer..
Électro et électrique
Dans cette énième version de la pièce la plus jouée du philosophe, bien souvent les personnages sont prisonniers d'un espace indéfini, sans dehors et sans dedans non plus, et n'ont qu'à fixer une ligne d'horizon bien vaine pour figurer les scènes où l'auteur les invite à regarder ce qui se passe sur terre.
Non seulement la configuration bi-frontale imposée par le Lavoir casse ce rapport binaire scène-salle mais en plus, en gardant un des objets phare du lieu – une boule à facettes – Olivier Rey fait de la multiplicité des petits miroirs le très juste contre-champ de ce qui se passe ailleurs, comme une série de caméras de surveillance miniature. Il redonne un cadre hors-champ tangible.
Et associe la fin de la vie du trio à une fin de fête, supposant ainsi que rien ne se termine vraiment. S'autorisant une incartade (et une magnifique réminiscence du générique mythique de 7/7), il fait également surgir une Simone du Peignoir donnant l'exégèse de ce texte : une commande de trois comédiens susceptibles exigeant d'être tous de façon égale, au plateau. S'il interprète lui-même et de façon trop dilettante ce passage, Olivier Rey signe un retour à la mise en scène convaincant en décloisonnant habilement ce Huis clos.
Huis clos
Au Lavoir Public du lundi 30 octobre au vendredi 3 novembre