Entretien pop / Il existe des moments d'exception et de plénitude que seuls la culture et l'art peuvent apporter. Le premier album du duo Terrenoire est de ceux-là. Raphaël et Théo Herrerias sont une fierté pour notre territoire stéphanois. De véritables artisans de la subtilité, d'une poésie où la sensibilité et la plénitude ont une place à part. Avec Les Forces Contraires, Terrenoire a envoyé un disque en orbite et tout un pan de vie avec. Rencontre avec des frangins entiers et généreux dans leur art. À l'image des Stéphanois en somme.
Vous avez reçu un bel accueil médiatique sur votre premier album. Quelle sensation cela vous apporte ?
Raphaël : Nous sommes étonnement calmes et sereins. Ce disque était vraiment un gros morceau à sortir d'un point de vue émotionnel mais également en terme de travail, avec des mois et des mois de concentration sur la création. Nous avons éprouvé une certaine fébrilité et une excitation avant la sortie. Les retours que nous avons ne sont que du bonheur, sans vouloir être cliché. Ce sont des moments qui permettent de se souvenir ce pourquoi on fait autant d'efforts pour faire de la musique. On a reçu des mots qui nous font du bien et on s'en souviendra.
« Nous avons un rapport émotif, émotionnel et affectif avec ces titres qui est vraiment très agréable. »
Cet album, intitulé Les Forces Contraires, regroupe un peu ce qui fait la puissance sonore de Terrenoire, c'est-à-dire un mélange entre ténèbres, amour et lumière. Comment avez-vous construit ce disque ? L'écriture a-t-elle duré longtemps ?
Théo : Les premiers titres ont été écrits il y a de cela un an et demi et ils ont eu une période de maturation assez longue, avec une finalisation qui a débuté il y a environ six mois. Le processus de production a ensuite été assez rapide. Cela a été assez agréable de pouvoir composer avec du répertoire assez frais. Il n'y a pas de morceaux issus de l'EP que nous avions sorti auparavant. Nous n'avons pas non plus intégré de morceaux qui étaient là depuis des années. Nous avons un rapport émotif, émotionnel et affectif avec ces titres qui est vraiment très agréable.
Le décès de votre père a été un élément crucial dans la création de ce disque...
Théo : Tout à fait ! C'est ce qui a marqué la création de cet album. Sa disparition a eu lieu avant que l'on débute la composition de ce disque. On peut dire que c'est sur cet événement que toute la création s'est établie. On le ressent dans le disque, qui relate ces "Forces Contraires". Comment, dans la mort, nous pouvons retirer une énergie vitale absolument incroyable et petit à petit revenir à la vie à travers la création. D'ailleurs le titre du premier morceau le laisse deviner. C'est une symbolique et une analogie dans ce travail quotidien très intéressant, qui nous a permis aussi, dans un cercle plus intime, de pouvoir honorer notre père à notre manière.
Vous avez écrit sur vos réseaux sociaux que « la musique c'est devenu la vie entière. C'est devenu les amis, les amours, c'est devenu un espace qui n'appartenait qu'à nous deux, qu'on ouvre de plus en plus grand. » Avec le projet Terrenoire, il existe une forte porosité entre l'intime et le public...
Raphaël : C'est exactement ça. C'est-à-dire que lorsqu'on décide de faire de la musique, au début c'est une pratique se situant à côté de l'école ou du travail. Puis ça devient un envahissement ou une belle inondation dans la vie. Ça vient de partout. Nos amis deviennent des musiciens. Notre lieu de vie correspond alors aux studios. La vie s'articule autour de la musique.
« On se sentira toujours Stéphanois, toujours ! »
Sur cet album, il y a de gros clins d'œil au quartier de Terrenoire et à Saint-Étienne, au-delà de la pochette sur laquelle on peut apercevoir un crassier. Pouvez-vous nous dire votre attachement pour cette ville même si aujourd'hui vous vivez à Paris ?
Raphaël : Nous resterons toujours liés à Saint-Étienne par les visages et les collaborations. Notre mère vit toujours à Terrenoire. On se sentira toujours Stéphanois, toujours ! C'est notre identité. Nous nous rendons compte aussi qu'il y a une esthétique musicale stéphanoise avec par exemple Fils Cara ou Zed Yun Pavarotti, que nous essayons de défendre fièrement. C'est une véritable école stéphanoise avec ce que cela implique de bizarreries, de mélancolie, avec une manière de dire un peu « merde » aux normes et à la manière dont est la pop aujourd'hui. Il y a également une certaine sophistication. On brandit fièrement notre identité stéphanoise qui est en train de se renouveler. Elle n'a pas été celle-ci pendant longtemps. Elle a été celle du foot, de l'industrie, du design plus récemment. Côté musique, il y a eu Lavilliers, la Dub Inc et Mickey 3D. Et là, c'est la première fois qu'il existe plusieurs projets musicaux stéphanois avec un coup de projecteur simultané et des choses très communes entre nous. J'observe avec beaucoup d'intérêt ce mouvement. On ne sait pas trop pourquoi cela se passe maintenant mais c'est passionnant. Le point commun à ces projets correspond à la présence de producteurs : Théo pour Terrenoire, Osha pour Zed Yun et Fils Cara, Simon-Gaspard pour La Belle Vie, etc. Ce n'est pas du rock'n'roll, ce ne sont pas des groupes qui ont répété pendant des heures dans des garages. C'est l'association de gens qui font des chansons, des auteurs accompagnés de producteurs.
Théo : Je pense que Saint-Étienne et ses valeurs ont leur importance également là-dedans. Le fait aussi que l'idée de collaborer, que des amitiés se transforment à travers des carrières musicales qui évoluent. Pour moi, c'est surtout la valeur du collectif et le partage de choses qui caractérisent tout ça.
Comment se présente votre nouveau live ?
Théo : Nous avons fait une résidence à Tours pour travailler notre spectacle qui est finalement assez similaire au précédent dans sa forme. Nous n'avons pas de musiciens avec nous sur scène. Nous avons une forme piano-voix. En ayant à faire à des salles à la configuration assise, ça change forcément la physionomie du spectacle. Nous réfléchissons aussi à proposer différents lives selon les salles, leur capacité.
Raphaël : Avec cette période, il faudra être agile !
- Les Forces Contraires, 1er album de Terrenoire, disponible
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