Meurtres à répétition

Meurtres à répétition
Retour / Par jalousie, un frère tue son frère. Tel fut le premier crime fondateur de l'humanité relaté dans le mythe d'Abel et Caïn, (fils d'Adam et Eve), texte issu de la Genèse. Mythe fatal, puisque l'homme exterminera tout au long de son histoire son semblable. C'est ce qu'a réussi à évoquer le metteur en scène Bruno Meyssat en s'appropriant l'oratorio que Scarlatti écrivit en 1707, Il Primo Omicidio, inspiré par ce récit ancestral. En mettant au même niveau chanteurs, comédiens, musiciens, Meyssat crée une pièce sonore et visuelle hypnotisante. Tous impliqués avec une même énergie, une égale importance, évoluant dans une boîte blanche, ces quatre chanteurs (dont les excellentes Sarah Breton et Eugénie Warnier en Caïn et Abel), 4 acteurs (troublante Élisabeth Moreau en mère ou en Yahvé, Geoffrey Carey en père ambigü tendant un couteau ensanglanté à Caïn, Cousin et Vermot en frères ennemis sensuels) et les six musiciens de l'Atelier du Louvre dirigé par Mirella Giardelli, s'unissent et s'opposent dans un huis-clos oppressant. Les images plastiques, sortes de tableaux mouvants marquent : Caïn remplit sa bouche de la terre devenue stérile après le meurtre de son frère. Le meurtre d'Abel se répète, comme un leitmotiv, sous des formes différentes. Les rôles s'échangent comme si le meurtrier pouvait être n'importe qui. Le spectacle ne représente pas la trame, mais livre des chorégraphies humaines faîtes de lignes, de balancements communs, de déplacements symboliques. En adéquation avec une scénographie évoquant un art brut, ancestral, où des totems défilent, cette pièce théâtrale sonore parle à l'inconscient collectif. Ce paysage visuel soumis à une atmosphère lumineuse soignée, dans lequel les personnages arborent costumes sobres, contraste avec la violence des gestes et rappelle Œdipe Roi de Pasolini. Les mots quelques fois criés interrompent la musique, la lutte se situant aussi au niveau des formes de représentations choisies. Mais tous finissent dans un même tombeau fragile : comme si après le meurtre, l'errance était commune à tous.Séverine Delrieu1707 "Caïn ou le premier homicide" représenté à la MC2 du 19 au 21 avril dernier

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