Déclin silencieux

Déclin silencieux
Retour / Le Salon, spectacle de danse théâtre du collectif belge Peeping Tom, fait chavirer par ses aspects violents distillés dans une poétique de la mélancolie. La maison s'effrite, tombe en lambeaux ; les murs verdâtres pâlissent sous l'effet du temps. La décrépitude et la déchéance y règnent en maîtres sournois. De l'eau encore suinte de-ci de-là. Le toit fuit et des gouttelettes s'écrasent sur un sol mouillé en une rythmique inquiétante. Les persiennes filtrent une lumière de fin du monde. On pense à l'atmosphère des romans de Marguerite Duras, Barrage contre le Pacifique ou la description de la maison dans L'Amant. Au milieu du salon transpirant l'abandon, alors que les objets et meubles cossus symbolisent un passé et une famille prospères, on voit un homme âgé sans forces, sa mère et sa bonne. Ils errent. Cette famille décline. Un couple avec enfant envahit les lieux ainsi qu'un étrange jeune homme incarnant la vie, l'énergie. Ce huis-clos silencieux, épuré composé d'une famille bancale nous emporte littéralement dans une sorte de rêve éveillé malgré tous les repères réalistes. L'intendante vêtue d'une chemise de nuit s'assoit au piano désaccordé et se lance dans des arias envoûtantes ; la musique brise le silence pesant. Les danses spectaculaires des jeunes hommes restituent une sève animale : ondoiements au sol, sauts encore jamais vus, prouesses techniques. La force physique en pleine apothéose contraste avec l'univers déliquescent. Le vieil hommeincontinent se sent humilié par la couche apportée par sa femme. La mort voudrait prendre refuge. Alors, en finir ? Le vieil homme demande un sac pour qu'on l'étouffe, puis, se ravise. La mort s'invite ailleurs. La perte de l'enfant provoque de scènes inoubliables : danse échevelée de la mère, cérémonie folle, enterrement de la mère par le groupe avec les objets de l'enfant et enfin par tout le mobilier de la maison. Mais la vie transperce. Le fil reprend, autrement. Une merveille. SD

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