Regard / À peine deux semaines après la performance plébiscitée de Jack the Ripper dans cette même salle, les new-yorkais de White Hassle, bien épaulés du barjo Reverend Vince Anderson (voir ci-dessous), s'apprêtent à traumatiser le Ciel de leurs mélodies éclectiques. L'occasion idéale de leur tirer le portrait.François Cau
Au centre de la formation se trouve un artiste polyvalent, partageant toujours son existence entre musique et dessin. Marcellus Hall a commencé par gribouiller, sans arrêt, en bon autodidacte vite habitué des maisons de redressement. À l'âge de 18 ans, le professeur d'art du lycée catholique où il a fini par atterrir estime que ses élèves ne sont pas prêts à s'exercer sur des modèles de sexe féminin. C'en est trop, le jeune Marcellus prend ses cliques et ses claques et s'en va tailler la route. Il traverse les États-Unis en auto-stop, se retrouve en Europe et en Asie où il vit des caricatures qu'il dessine dans les rues. C'est au cours de cette période d'errance qu'il apprend à jouer de la guitare et de l'harmonica, mais l'art pictural reprend toujours le dessus. Il parvient à intégrer les rangs d'une école d'art de Rhode Island, pour finalement déménager à New York, sa nouvelle (et pour l'instant dernière) cité d'adoption. Blues ExplosionEn 1987, Hall bosse comme dessinateur en free-lance et se lance dans l'aventure musicale en compagnie du bassiste Tony Lee, écumant Manhattan de leurs compos. Leur groupe, Railroad Jerk ("l'idiot de la voie de chemin de fer", deux mots choisis au hasard dans le dictionnaire), peine à entrer dans une catégorie bien définie. Dès leur premier album éponyme, paru en 1990 sur le label Matador Records, les superlatifs ne manquent pas : blues, folk industriel, rock garage, Marcellus, Tony et les zicos prêts à les suivre expérimentent déjà à tout va, mélangent les styles pour accoucher d'un son résolument à part. Leur deuxième album, Raise the Plow, confirme le discret engouement à leur égard, réveille la curiosité de musiciens désireux de sortir des sentiers battus. Le batteur Dave Varenka intègre la formation en 1992, pour ne plus quitter Marcellus, qu'il suivra plus tard sur l'aventure White Hassle. S'ensuivent deux années de flou plus ou moins artistique ; les trous dans la biographie laissent augurer de quelques fâcheuses expériences interlopes (mais bon, qui sommes-nous pour juger ?). Cantonnés jusqu'ici à une légère reconnaissance, les musiciens se font définitivement remarquer en 1995 avec la sortie de leur avant-dernier album, One Track Mind. Le single Rollerkoaster fait la joie du tandem Beavis & Butthead dans leur show animé sur MTV, l'album est acclamé par l'ensemble de la critique musicale américaine, le groupe part en tournée à travers les States, en Europe et en Asie.Chaîne nationaleAlors que le dernier album du groupe (The Third Rail) sort dans les bacs américains, Marcellus Hall est entretemps devenu un dessinateur reconnu. Après avoir fait édité son comics-phare, Bill Dogbreath, sous forme de strips dans des périodiques aux quatre coins des États-Unis, il œuvre pour les journaux The New Yorker, New York Press ou le New York Times. Son style immerge des bonshommes d'allure pateline dans des couleurs criardes, dans des vignettes où la tranquilité n'est que de surface. Marcellus envisage à présent ses deux activités avec les mêmes schémas de travail : superpositions alambiquées, goût affirmé pour l'esthétique pop, et le chaos toujours prêt à poindre le bout de son nez. Si l'aventure Railroad Jerk tourne court, les deux rescapés, Hall et Davenka, ne se laissent pas démonter et forment le groupe White Hassle, littéralement le "blanc casse-pieds", patronyme faisant mutine référence à la chaîne de fast-food US White Castle. À peine quelques mois après The Third Rail, le binôme sort, toujours chez Matador Records, le bouillonnant National Chain. Les expérimentations de leur précédent combo les font une fois de plus aller dans toutes les directions sonores. L'accueil est discret, le duo enquille les dates histoire de se rôder, accueille en son sein le guitariste Matt Oliveiro, qui participera à Life is still sweet (album dont le morceau éponyme est une pure merveille, soit dit en passant). Le groupe fait appel à d'autres guests, dont le plus fidèle sera le DJ Atsushi Numata (les scratchs sur Your Language, c'est lui). L'heure de gloire En 2002, White Hassle se fait remarquer par le label parisien Fargo Records (qui compte dans ses rangs des incontournables tels que les Lords of Altamont, Neal Casal, Jesses Sykes ou notre chouchou maison Andrew Bird) : la France aura ainsi le prime honneur de découvrir leurs nouveaux opus, dans un premier temps le huit titres Watertank, puis un an plus tard The Death of Song, qui titille violemment les oreilles des amateurs de blues-rock décomplexé. Les compositions condensent avec fluidité les explorations sonores de la décennie écoulée, et affirment avec bonheur les aspirations pop de leurs auteurs. La sortie de Your Language en ce début d'année, leur tournée française (dont une participation à la soirée Fargo All Stars) devraient leur ouvrir les portes du succès qu'ils méritent. En attendant de les voir triomphants, on ira savourer leur live de ce vendredi au Ciel. White Hassle + Reverend Vince Andersonle 3 février à 20h30, au CielAlbum : "Your Language" (Fargo)