Danse / Dernière création en date du chorégraphe Bouba Landrille Tchouda, Des Mots est un spectacle profondément marquant, dont l'apparente sobriété ne fait que renforcer la justesse du message délivré. Damien Grimbert
À l'origine de la pièce, une formation menée par la compagnie Malka, dans le but de délivrer des outils permettant aux danseurs d'appréhender la danse hip-hop comme un réel moyen d'expression chorégraphique, et non comme une simple accumulation de techniques. Faire passer un propos, des émotions, des ressentis, par le biais de gestes et de mouvements encore trop souvent réduits au rang de simple “performance”, c'est depuis de nombreuses années le credo / cheval de bataille du chorégraphe, qui a pour le coup décidé d'en faire le thème principal de sa création. Mais si la démarche semble limpide sur le papier, elle nécessite cependant de savoir se faire violence dans les faits, comme le découvrent, parfois avec fracas, les danseurs participant à la formation, limite tétanisés par cette progressive prise de conscience. Ce dont le chorégraphe se sert habilement pour monter une pièce qui, aux frontières de la psychanalyse et de l'exorcisme collectif durant sa gestation, se métamorphose sur scène en un subtil jeu sur les identités respectives des danseurs, magnifique et jamais démonstratif.«Suivant...»Tout commence par une simple file d'attente où six silhouettes, camouflées dans d'impersonnels imperméables, usent de divers artifices pour accéder à la première place dans la queue. Jamais très loin du mime, cette session ludique et souvent drôle permet une première appréhension des personnalités respectives de chacun, avant d'aboutir à l'immersion successive des différents danseurs dans une cabine de photomaton, objet de la file d'attente précitée. Commence alors, au rythme monolithique des litanies égrenées par la voix mécanique de la machine («Suivant. Réglez le tabouret à la bonne hauteur s'il vous plait...»), une succession de solos où chacun des protagonistes va tour à tour danser sur de courts souvenirs, graves ou anodins, issus de son enfance, et énoncés par une voix-off accompagnée d'un discret mais prégnant fond musical. On n'est encore qu'au commencement, mais paradoxalement déjà au cœur même de la pièce, immergés dans des vécus qui ne sont pas les nôtres, mais que la profonde synergie découlant de l'enchevêtrement de paroles, musiques, et chorégraphies nous permettrait presque de toucher du doigt. Avec une grande finesse, le message initial est passé, et ne sera que magnifié par les séquences suivantes, alternant euphorisantes chorégraphies de groupes, duos, et solos à fleur de peau, sur fond de mélodies orientales, ou de notes d'accordéons. Sobre sans jamais être austère, poignant sans jamais flirter avec l'impudeur, Des Mots captive, secoue, et tournoie pour s'achever dans un final apaisé qui témoigne à la fois du chemin parcouru et de la maturité nouvelle que ce dernier a permis d'acquérir. C'est aussi ça le hip-hop.Des motsle 13 décembre à 20h, au Grand Angle de Voiron