Surfant sur la vague, quelques bars lounge ont ouverts à Grenoble ces derniers mois. Ce phénomène en voie d'expansion un brin tardive, méritait bien une petite analyse pour en comprendre tous les enjeux. Elodie Bréard
Précurseur du genre, le Daya ouvre ses portes le 1er avril 2003. Situé rue des Alliés, dans une ancienne usine de chauffeaux électriques, l'espace de 1000 m2 semble être la taille requise pour «accorder à la fête la place qu'elle mérite». Estampillé lounge, il propose de la restauration midi et soir, dans un cadre plus que spacieux à la décoration «atypique» selon son propriétaire. En fin de semaine, lorsque la fête bat son plein, des DJ créent l'ambiance sonore pendant qu'une hôtesse se concentre sur le bon accueil de la clientèle invitée à s'amuser jusqu'au bout de la nuit, dans un endroit cosy et de «bon goût». Depuis, d'autres bars et restaurants lounge se sont installés à Grenoble : le Momento en novembre 2004, plus récemment le For You et le Tamara en septembre dernier. Autour de la place Victor Hugo, le Palais et le Café Hugo jouent dans la même cour. Cette récente appellation affichée leur accorde une identité nouvelle, garante d'un succès "certain". Elle inclut de fait bon nombre de caractéristiques communes.ET TU DANSES, DANSES, DANSESAinsi, globalement la clientèle visée est celle des 25-50 ans, qui aime faire la fête et en a les moyens. Elle fait l'objet d'une sélection: une tenue “correcte” est exigée notamment au Momento. Le zèle de quelques videurs ayant pu refroidir les plus curieux, l'accueil y est désormais plus «convivial» même si les critères de correction vestimentaire sont toujours obligatoires. En retour, les gens peuvent festoyer dans un cadre considéré alors comme «sécurisé et sécurisant». Tout est prévu pour satisfaire les clients : l'accueil justement se veut le plus personnalisé possible, tous ces endroits se revendiquant paradoxalement «ouverts à tous et chaleureux» Dans le même ordre d'idées, la décoration joue un rôle essentiel: jeux sur les couleurs, les matières, le graphisme, rien n'est laissé au hasard pour en mettre plein les yeux aux clients. S'inspirant des hauts lieux de la “night” européenne voire mondiale (Londres, New-York, excusez du peu...), la décoration et l'agencement sont surinvestis, comme pour combler un vide. Au Café Hugo, on ne voit plus désormais que l'immense comptoir blanc, signe extérieur d'une extrême branchitude. Il en va de même certainement pour l'écran géant... La musique n'est pas en reste. Elle varie selon les différents moments de la journée et devient carrément lounge (genre musical encore en vigueur) pour l'apéro. Plus le soir approche, plus les basses se font entendre. Des DJ officient régulièrement, afin que la clientèle s'éclate sur des rythmes frénétiques jusqu'à au moins... 2 heures du mat.100% VIP: çA LE FAIT, çA LE FAIT Car il ne s'agit pas seulement de permettre aux clients de boire un café ou de se restaurer, il faut leur proposer un cadre, une ambiance, un “concept” qui les incite à venir, à rester, à revenir. Il faut leur offrir de l'exceptionnel (peu importe le prix), de l'extraordinaire, du raffiné afin que leur sortie ne soit que «pur plaisir». Ainsi, la restauration proposée se veut typée, fine mais pas gastronomique (faut pas exagérer), voire à connotation exotique. Rien n'est trop recherché et la serviette en tissu fait son grand retour sur les tables... Mais c'est surtout la nuit et la fête qui intéressent les endroits lounge. Ils considèrent que leur offre répond à une demande: apparemment une certaine catégorie de la population ne se reconnait plus dans des lieux typés «trop étudiants». Avide d'amusements en tous genres, elle recherche des «place to be» festives, pour s'éclater entre «gens de bonne compagnie». Ces différents établissements ne semblent pas souffrir de la concurrence mais au contraire apprécient l'émulation qui s'est installée depuis quelque temps. L'offre appelle l'offre. Si l'étiquette “lounge” implique de nombreuses ressemblances, chacun de ces endroits possède ses "particularités" et tente de développer sa "singularité". Au Momento, on aimerait devenir une véritable before en aménageant un coin où les gens pourraient vraiment danser. Surtout il voudrait être un lieu où musicalement «il se passe quelque chose».God save the loungeTous ces bars veulent durer dans la continuité et refusent l'éphémère. Conscients d'exploiter un créneau qu'ils considèrent encore porteur, ils espèrent devenir des lieux incontournables de la nuit grenobloise. L'avenir seul nous dira si le pari est gagné ; on peut néanmoins s'interroger sur cet effet de mode (le lounge serait déjà dépassé) et se demander si toute l'attention apportée à la forme (déco, musique, présentation) ne l'emporte pas sur le fond. Il en est de même pour les critères de sélection, plus basés sur l'apparence que sur la réelle personnalité des clients potentiels. En même temps, on est juste là «pour s'amuser».