Entretien / Après la précipitation de l'édition 2004, place à une programmation plus à même d'être assumée jusqu'au bout des ongles par l'équipe du Cabaret Frappé. Rencontre avec Loran Stahl, directeur-programmateur de la manifestation. Propos recueillis par François Cau
Quel regard portiez-vous sur le Cabaret Frappé avant d'arriver en fonction ?Loran Stahl : C'est un festival paradoxal et difficile à tenir, qui fait plusieurs grands écarts : il est partagé entre des artistes en devenir, et d'autres bénéficiant d'une luminosité médiatique sur le moment. Le corps des programmations était de présenter de la qualité au sens large, de faire un événement au cœur de la ville, de jongler entre gratuit et payant, énormément de facteurs qui permettent de réfléchir à la question de quels artistes pour quels publics. Ça fait des années que je me penche sur ce sujet, en étant passé par beaucoup de postes dans le milieu du spectacle. Et puis il faut prendre en compte que le Cabaret Frappé n'est pas qu'un sursaut de vie de l'été grenoblois, c'est un temps à part entière. Beaucoup de personnes aiment, détestent, s'approprient l'événement, y font jaillir l'expression publique en son sein, considèrent "avoir fait" le Cabaret de cette année.Quel retour pouvez-vous nous faire sur l'an passé ?C'était dans des conditions un peu particulières vu qu'on est arrivés en février 2004, et que la programmation a été rendu en avril. Avec Vincent Brocker, le directeur adjoint, on a pris le temps d'étudier le projet, les bilans et les images filmées lors de l'édition 2003, on a rencontré le plus possible d'acteurs culturels et de membres des anciennes équipes, pour finalement prendre en compte par nous-même l'existant, la réputation de l'événement et la qualité de sa programmation. Finalement, l'édition 2004 a bien fonctionné, la fréquentation extérieure a atteint des proportions incroyables, et pour ce qui est de l'intérieur, on espérait une hausse du fait qu'on ait augmenté la jauge, mais on a obtenu le même chiffre qu'en 2003. Le bilan est globalement positif, même si une nouvelle fois le regret se porte surtout sur la rapidité avec laquelle on a dû monter la programmation, on a fait comme on a pu pour faire quelque chose dont on avait envie, et dans la lignée de ce qui existait auparavant. Vous avez pu aborder la programmation plus sereinement...On a pu procéder véritablement en équipe. On a reçu près de 1200 CDs, presque autant de propositions par le net, j'ai vu une cinquantaine de concerts... J'ai fait un premier jet que j'ai proposé aux autres, qui y ont apporté leurs avis, avant que la nouvelle mouture soit acceptée. Il y a une part de subjectivité, j'ai mes goûts de prédilection en matière de musique mais je me plonge nécessairement aussi dans les univers dont je me sens moins proche, j'observe les milieux... Je ne fais pas encore de choix en jazz ou en musique classique, par exemple. Ce que j'ai retenu en bossant pour une scène nationale, c'est que tu peux produire du spectacle comme on dicte de la variété, en enfilant des perles, tu peux aussi s'interroger sur l'artiste, sur qui le soutient et pourquoi, sur le projet et sa genèse. Est-ce que vous diriez que l'écart entre les artistes sous le feu des média et les découvertes s'est encore creusé cette année ?Dans un certain sens, avoir fait l'ouverture avec Gilberto Gil en gratuit nous permet de toucher beaucoup de monde, de plus solliciter. Mais on n'est pas vraiment dans une logique de notions catégorielles par rapport à l'envergure des artistes et leur durée de vie. J'irais plus loin en répondant clairement non, parce qu'on communique de la même façon sur tous les groupes. Nos observations du public nous montrent qu'il est en attente de ça, d'être d'une certaine façon dans l'inconnu. Les gens viennent sur la base de leur intérêt pour un genre musical, d'autres s'improvisent leaders d'opinion et rameutent d'autres personnes sur une date (c'est d'ailleurs ce qui est en train de se passer pour Bauchklang). Des appréhensions ?C'est nettement sur la partie payante que va se jouer l'identité du festival cette année. C'est la dernière année qu'on travaille avec la Baraque, elle a été vendu et part à Rennes tout de suite après. On a quelques idées pour pallier le manque, mais dont on ne va pas parler, puisqu'on sera bien évidemment tributaires du succès de cette année. 2004 était une année de transition, 2005 est une année charnière, espérons que le terme de l'an prochain ne sera pas trop négatif...Le Cabaret Frappéjusqu'au 6 août au Jardin de Ville et autres lieuxwww.cabaret-frappe.com