A ne pas confondre avec le blob, son homologue rose et spongiforme hantant les films d'horreur délicieusement kitsch, le blog constituerait, à en croire les plus enthousiastes, le dernier phénomène de société ayant émergé d'Internet. Alors, dernière marotte virtuelle pour médias en mal d'inspiration, ou véritable révolution en profondeur ?Damien Grimbert
Concrètement, le blog n'a pourtant rien de très complexe en soi. Il s'agit d'un simple dispositif technique, offrant à tout un chacun un espace d'expression personnalisé et interactif, basé sur un fonctionnement chronologique (les informations présentes y sont classées par dates, et non par thématiques). Mais comme souvent sur le web, c'est son appropriation par le péquin moyen qui a engendré tout un lot d'utopies enthousiastes, et d'analyses sociologiques plus ou moins inspirées. Il est vrai que l'ampleur du phénomène, apparu au début des années 2000, a de quoi laisser pantois. A l'heure actuelle, on en recense près de 28 millions à l'échelle mondiale, et le nombre est en constante augmentation. Il faut dire que son valeureux ancêtre, le fameux site perso, souffrait de plusieurs défauts de taille hautement handicapants. La (relative) difficulté d'accès pour le non-initié, l'astreinte représentée par une mise à jour régulière, et l'absence globale d'interactivité (impossible pour le visiteur, par exemple, de poster un commentaire en temps réel), pour n'en citer que quelques-uns, condamnaient ainsi bon nombre d'entre eux à se retrouver délaissés au bout de quelques mois seulement, tels de vulgaires bâtards abandonnés sur une aire déserte même pas ensoleillée des autoroutes de l'information. Confessions intimesDépourvu de tous ces handicaps, le blog connaît rapidement un succès assez massif, et se consacre, dans un premier temps, au centre d'intérêt principal d'une bonne partie de la population du web et d'ailleurs : son nombril, et (éventuellement) celui des autres. En toute logique, c'est donc une avalanche de journaux intimes qui s'accaparent le terrain, déversant des torrents de petites réflexions personnelles et de frustrations rentrées, pour la plupart assez insignifiantes (du style : «l'autre jour, je voulais mater Delarue à la télé, mais les piles de la télécommandes étaient mortes, j'en ai pleuré de rage»). Deux facteurs jouent en faveur de ce déferlement, la présentation chronologique citée plus haut, et l'âge moyen des utilisateurs “actifs” d'Internet (c'est-à-dire ceux qui laissent des traces de leurs passages sur les blogs et forums), à savoir 14/15 ans en moyenne, période rêvée, c'est bien connu, pour l'introspection et les confessions intimes (après, on a généralement d'autres choses à faire...). Bon, trêve de sectarisme exacerbé, les aficionados du genre y trouveront bien évidemment leur compte, mais qu'on ne compte pas sur nous pour une analyse à 20 centimes sur «les rapports exhibitionnisme/voyeurisme, transcendés par leur matérialisation dans la sphère du virtuel», comme on peut trop souvent en lire. Touches d'espoirD'autant que, bien que plus marginales, de nombreuses autres utilisations ont été trouvées pour le support. On citera en vrac le photo-blog, constitué quasi uniquement de photos (familiales, mais également de paysages, d'architecture, ou d'ambition artistique...), commentées ou non ; les carnets de voyage, qui racontent au jour le jour un périple plus ou moins exotique, et autres journaux d'expatriés ; mais également les blogs d'actualité, qui passent au crible les infos des derniers jours sous un angle qui leur est propre, en proposant commentaires et points de vue. Ceux de people, plus ou moins intéressants selon leur crédibilité artistique (celui de Virginie Despentes, par exemple, a connu une forte médiatisation), et enfin d'hommes politiques, qui y voient un moyen moins humiliant que les talk-shows pour toucher un public avec lequel ils ont du mal à créer le contact. Mais culturellement parlant, ce sont sans doute les blogs de passionnés qui présentent le plus d'intérêt. Par sa capacité à rassembler des amateurs des cultures les plus marginales, souvent ultra excentrés au niveau géographique, le Web s'est en effet montré propice à la création d'une réelle “nerd culture”, qui rassemble dans un même élan communautaire amateurs de musiques de vieux jeux vidéos japonais, ou encore de films d'horreur nigérians des années 90. La encore, le blog se montre un outil de propagation parfait, comme le démontre le succès des audio-blogs, qui mettent à disposition pendant quelques jours un MP3 rare et sélectionné avec soin, commentés de manière à permettre au visiteur de découvrir des artistes méconnus et pourtant talentueux. Et si par sa facilité d'accès, l'outil permet la survie de mouvances culturelles underground ne trouvant pas d'autre relais médiatiques, on n'ira finalement pas s'en plaindre... SITES EN VRACwww.u-blog.net / www.over-blog.comDeux des sites de création de blog francophones les plus populaires.www.blogolist.comUn moteur de recherche francophone dédié aux blogswww.pointblog.comUn blog consacré aux blogs !www.blogotheque.netUn bon exemple de blog culturel, avec une partie audio-blog