Musique / Flûtiste surdoué et musicien passionné, Magic Malik est une figure hors-norme de la scène jazz, capable de disserter sur Xenakis ou Stockhausen, tout en reprenant en parallèle un morceau des 2B3. C'est ce qu'on appelle l'ouverture d'esprit...Damien Grimbert
Né en 1969, à Abidjan, en Côte d'Ivoire, Malik Mezzadri, alias Magic Malik déménage rapidement avec sa famille pour la Guadeloupe et grandit dans la ville de Pointe-à-Pitre. Il s'intéresse à la musique très tôt, écoutant la radio pendant des heures, avant de passer à la pratique en s'initiant conjointement au solfège et à la flûte à bec. Après une bifurcation vers la flûte traversière, il découvre, par le biais de son professeur Marc Rovelas, des compositeurs comme Bach, Xenakis, Ravel, ou Stockhausen. C'est le début d'une vocation pour Malik, qui décide de devenir musicien, et part étudier la musique classique en métropole, au Conservatoire de Marseille, dont il sort avec le premier prix en 1988. Après s'être installé à Paris, il fait ses premières armes dans le groupe de reggae Human Spirit, dans lequel il découvre une approche musicale radicalement différente de celle qui était la sienne jusqu'à présent, plus chaleureuse et moins théorique, qui le conquiert pleinement. C'est à ce moment que s'initie, encore inconsciemment, un objectif qui n'aura de cesse de le guider dans sa carrière, réconcilier l'expérimentation et la recherche théorique avec la chaleur rythmique des musiques populaires, «vivier de toute expression musicale»... Et qui verra comme aboutissement son dernier album, 13 XP Song's Book, dans lequel il reprend les 2B3, Elsa ou Gold...Arrête de me jouer du pipeau...Mais pour l'heure, Magic Malik expérimente tous azimuts, et multiplie les collaborations avec des artistes comme St Germain, FFF, ou Malka Family (par la suite, on le retrouvera également aux côtés de Juan Rozoff, Smadj, DJ Oil des Troublemakers, M, Susheela Raman, ou encore Cachaito Lopez, contrebassiste du Buena Vista Social Club). Ces diverses expériences lui permettent d'acquérir un solide bagage musical dans des styles comme le jazz, le funk, la world ou l'électro, mais une rencontre le marquera tout particulièrement. Celle du saxophoniste Julien Lourau, qui partage le même goût pour les fusions chaleureuses et les expérimentations enlevées au sein de son Groove Gang. En 1999, il l'accompagne pour une tournée en Afrique, Amérique Latine et dans les Caraïbes, qui s'étendra sur près de deux ans. Une expérience hors du commun qui le marquera fortement, et confortera ses compétences musicales, qui commencent largement à faire parler d'elles. 2001 voit venir la sortie de son premier album 69-96, qu'il enregistre accompagné d'une pléiade d'invités. Un premier jet ludique, n'hésitant pas à basculer dans l'électro ou les musiques du monde (Orient, Amérique du Sud, Afrique, Inde...), et pourtant déjà brillant. La démonstration flagrante qu'aux côtés de ses talents de flûtiste et de chanteur, il est également un compositeur de haute volée, dont les multiples emprunts à différents styles musicaux sont intégrés tout en finesse, et non plaqués à la va-vite, de façon artificielle...On the road againCommence alors une nouvelle aventure, le Magic Malik Orchestra, qui réunit à ses côtés Denis Guivarc'h au saxophone, Or Solomon aux claviers, Maxime Zampieri à la batterie, et Sarah Murcia à la contrebasse. Fort de sa tournée à travers le monde, Malik se montre, outre un instrumentiste et chanteur virtuose, un fort convaincant chef d'orchestre, parvenant à établir une alchimie éblouissante entre les différents instruments en concert. En 2003, le quintet sort le double album 00-237, dans lequel on retrouve sur quelques morceaux le joueur d'oud Mohamed Rifi-Saïdi, mais également le saxophoniste Steve Coleman, l'un des pères spirituels de Malik aux côtés de Pat Matheny et John Scofield. On y découvre d'un côté des compositions magnifiques, méditatives, planantes, ou enjouées en diable, dans lequel toutes les influences de l'artiste sont fondues en un flot ininterrompu de petits joyaux, et de l'autre un volet plus expérimental, successions d'impros matinales prises sur le vif au doucereux parfum free jazz.Partir un jourAprès ce sommet de composition, l'homme peut enfin se consacrer à une idée qui lui tient à cœur depuis quelques temps, et qui est peut-être l'une des plus révélatrices de sa perception musicale : un album de reprises de différents hymnes de la variété populaire, qu'il soient l'œuvre de vrais artistes comme Gainsbourg, ou de personnalités plus "interlopes" comme Elsa ou les 2BE3... Car ce n'est pas l'effet gag qui intéresse Malik. L'objectif, au contraire, est de «réharmoniser un répertoire populaire» par le biais de l'expérimentation, sans vraiment s'attacher à la personnalité des artistes initiaux (aucune ré-écoute préalable des originaux n'est effectuée par exemple), mais plutôt aux capacités mélodiques qui ont ancré ces tubes dans l'inconscient collectif d'une génération. Une démarche hors du temps, puisqu'on la retrouve aussi bien chez les jazzmen américains des années 60, qui déjà reprenaient Sinatra ou Elvis Presley, que chez toute une vague de producteurs hip-hop ou électro, fascinés eux aussi par le potentiel tubesque de la variété populaire.Magic Malik Orchestrale 1er févrierau Centre Culturel de Seyssinet-ParisetAlbum : “13 XP Song's Book” (Label Bleu)