Rétro / D'une morosité moins languissante, 2004 portait pourtant en elle les aléas obnubilants de l'année précédente, centré autour d'un évènement pivot ravivant les paradoxes locaux... François Cau
L'année démarrait sans coup férir, émaillée d'évènements pour le moins engageants. L'excellent Jackets ou la main secrète du lyonnais Jean-Christophe Hembert, un FestiValetti recelant son lot de perles théâtrales (L'utopie fatigue les escargots du Théâtre Dromesko), un Bugge Wesseltoft irradiant le Festival de Jazz, une édition de Regards Croisés qui nous faisait découvrir la scène irlandaise (retenons le très bon Quelqu'un pour veiller sur moi)... Et puis... Ce n'est pas un scoop, passés le Festival du Court Métrage en Plein Air et le Cabaret Frappé (où cette année on aura beaucoup joué aux échecs, au soleil), Grenoble s'endort pendant un mois. A son réveil, cette année, on lui offrait une nouvelle Maison de la Culture garantie flambant neuve, avec trois jours de festivités pour emballer le tout. Tandis que la suite ministérielle visitait le jardin de Dominique Gonzales-Foerster, les oubliés estivaux se rappelaient à notre bon souvenir, défenseurs du Parc Paul Mistral, intermittents, activistes culturels côte à côte, huant conjointement le défilé officiel... Au bout de quatre mois d'activités, difficile de dresser un bilan, d'autant que la majorité des acteurs culturels se refusent encore à parler d'un "effet MC2:". Pour l'instant, les promesses sont tenues par la Maison : une programmation hallucinante s'ouvrant à l'occasion sur le grand public, pour un peu moins de 300 représentations dans l'année ; avec parfois jusqu'à trois spectacles simultanés avec des têtes d'affiche. Et certains d'arguer d'une difficulté certaine de lutter lorsque le même soir se produisent Lavaudant, Gallotta et John Zorn... Crises et identitésDès lors, à la charge des salles de spectacle de l'agglo d'affirmer violemment leur identité, de drainer les spectateurs cherchant leur saoûl d'une autre façon. La Rampe séduit toujours autant les amateurs exigeants en matière de danse contemporaines (citons Cutting Flat ou N'oublies pas ce que tu devines pour cette année), L'Heure Bleue est l'un des derniers bastions à prendre le risque des premières parties locales (avec l'aide de Projet Bob ou de Rocktambules), le 145 assure dans la mesure de ses moyens son rôle pivot d'animation de quartier tout en proposant des spectacles risqués, le Grand Angle n'entend pas se focaliser uniquement sur sa programmation "showbiz", mais bien être reconnu pour ses actions pédagogiques... Tandis que l'avenir des locaux du CDNA est encore incertain (moult assos culturelles se verraient bien confier la charge du bébé), Le Rio essaie de son côté de donner des lueurs de panache à son agonie. Sous la tutelle omnisciente de son méritant et infortuné homme à tout faire, la salle accueille tant bien que mal des compagnies (dont prochainement la nouvelle création de La Saillie et de Pascal Mengelle) dans des conditions plus que précaires, en attendant la reconfiguration de tout le bâtiment Sainte-Cécile. Ultime bouffée de morphine avant le coma ? Wait and see... Principe de l'incertitudeAutre grand espace de débat, les salles de concert tentent de pallier de leurs poings rageurs à la fermeture toujours envahissante de l'Entre-Pot. L'Art-Scène, passé l'enthousiasme dispendieux de ses débuts, tente à présent de maintenir le cap pour éviter le drame d'une fermeture. Le Magic Bus et l'asso Dynamusic régularisent avec aplomb leurs show-cases hebdomadaires, exploitant au mieux leurs limites nombreuses. Le Mark XIII Departement 2 a glorieusement fêté son premier anniversaire, oubliant momentanément ses stressants problèmes de voisinage ; L'ADAEP hurle à qui veut l'entendre qu'elle est menacée, las, le refrain a été trop entendu et on ne le prend malheureusement plus au sérieux (on y reviendra à la rentrée). Coup de chapeau à la salle EVE sur le campus, qui a mis cette année un coup d'accélérateur sur son ouverture à des formations attendues, voire espérées. Abstrackt Keal Agram, Mouloud, Prince Allah, Rhésus, Melk et on en oublie, le bâtiment aura accueilli de nombreuses soirées jouissives en son sein a priori disgrâcieux. Prochain rendez-vous le 22 janvier, avec le grand malade Fuzati et son Klub des Loosers. Beau début également pour l'Auditorium de la Maison de la Maison de la Musique de Meylan, qui a reçu un succès mérité pour ses premiers élans (avec pour les mois à venir Sharko, Shaâdy, Rubin Steiner ou Ezekiel, s'il vous plaît). On retiendra en particulier la performance d'un Gonzales aussi à l'aise derrière un piano que sous ses précédents apparats hip hop, maître de cérémonie à la classe infinie qui a su réconcilier les habitués meylanais de la salle et un nouveau public venu applaudir le maestro à tout rompre. Un beau rayon de soleil dans le ciel nuageux des musiques amplifiées locales.