Durant sa carrière, il a confronté le jazz avec presque toutes les autres musiques, a été précurseur dans l'utilisation des synthétiseurs, du scratch et autres technologies, et a contribué à la désacralisation du genre en prônant des thèmes musicaux populaires. Herbie Hancock, le 14 octobre à la MC2. Patrice COEYTAUX
L'homme derrière l'artiste est avant tout un philanthrope acharné. Bien qu'une partie de sa musique soit axée sur l'expérimental, le pianiste a continuellement privilégié des thèmes et des suites d'accords simples, populaires, qui ont contribué à la démocratisation du jazz. Comme il l'explique en 2005 dans une interview : «Pourquoi l'artistique n'atteindrait-il pas un maximum de gens ? C'est pour cette raison que j'ai imaginé ces thèmes aisés à suivre pour l'auditeur ordinaire qui n'est ni musicien ni féru de jazz». Au vu des succès de titres comme Cantaloupe Island, Watermelon Man ou Chameleon, on peut dire que le challenge a été remporté avec brio. L'artiste a élargi son champ d'actions rapidement, dans un domaine qui lui a permis d'habituer l'auditeur lambda à cette musique, de continuer à briser son aura élitiste. Il s'est ainsi lancé très tôt, dès 1966, dans la composition de bandes originales de film. Quatorze produites à ce jour, parmi lesquelles des collaborations pointues, comme Blow Up (Michelangelo Antonioni, 1966) et Colors (Dennis Hopper, 1988), mais aussi et surtout des productions un rien plus commerciales, comme Un justicier dans la ville (1974) ou Les Nuits de Harlem (1989). Son altruisme, cet irrésistible besoin de contribuer au bien de sa communauté, le mènera en 1996 à sortir du giron purement musical et à s'atteler à la création de ROLO, the Rhythm Of Life Organization. Une organisation qui prône une utilisation ainsi qu'une application responsable des technologies.Le passé comme moteur
Hancock a constamment été en quête d'expérimentations mais n'a pas pour autant fait table rase du passé. Il a souvent réalisé des coups de projecteur sur son vécu musical, que ce soit via le Tribute to Miles en 1994 ou encore avec la reformation des Headhunters en 2005. Comme si le fait de se remémorer régulièrement d'où il vient lui permettait de savoir dans quelle direction aller. De la même manière, son dernier album en date, River : The Joni Letters est un hommage à l'auteure-compositrice folk canadienne Joni Mitchell. Une vieille connaissance d'Hancock. En 1979, celui-ci avait eu l'honneur d'achever un album commencé par Charles Mingus, qui mourut précipitamment cette année là sans avoir le temps de finir l'œuvre. «J'ai rencontré Joni en 1979 lorsqu'elle enregistrait son album hommage à Charles Mingus. Elle n'est pas une artiste pop conventionnelle et c'est une incroyable poétesse. C'est un défi car un jazzman comme moi a toujours du mal à accorder de l'attention aux mots». La dernière collaboration entre Hancock et la chanteuse datait de 1998 et l'album Gershwin's World. River : The Joni Letters réunit les voix de Corinne Bailey-Rae, Leonard Cohen, Tina Turner et Norah Jones, en plus de celle de Joni Mitchell, évidemment. Un disque au casting époustouflant qui reçut un Grammy Awards, sur lequel Wayne Shorter au saxophone, Dave Holland à la basse, Vinnie Colaiuta à la batterie et le béninois Lionel Loueke à la guitare se sont occupés des parties instrumentales. River : The Joni Letters est plus qu'un hommage, c'est une nouvelle preuve de son besoin de se surpasser en cherchant les interactions entre les genres.Herbie Hancock
Mar 14 oct à 20h30
à l'Auditorium de la MC2