John Hillcoat réussit une transposition fidèle, mais pas forcément payante, du roman de Cormac MacCarthy : une parabole épurée sur la transmission.CC
Mais il y a le bouquin de MacCarthy, et cette foutue question de la fidélité. Le récit est aussi simple qu'une parabole biblique : après l'apocalypse, un père et son fils prennent la route pour se rendre au bord de la mer, comme un dernier espoir. Le monde est livré à des bandes cannibales — dans le film, des rednecks avinés et armés— et pour se préserver de la menace, ils n'ont qu'un pistolet chargé avec deux balles. MacCarthy ne s'attardait pas sur l'environnement — aucune description, aucun lieu identifiable — et adoptait un style épuré à l'extrême. Hillcoat trouve des équivalences à ce dépouillement : une forêt d'arbres nus et gris figure la désolation, les restes d'un bateau échoué sur une plage témoignent du cataclysme. Quant aux dialogues, ils sont importés à la virgule près du texte original. Les enjeux sont eux aussi intacts : le père veut transmettre le sentiment d'humanité à son fils, mais perd le sien sous la pression d'un instinct animal de préservation. À l'écran, pourtant, quelque chose ne fonctionne pas totalement. L'application avec laquelle Hillcoat refuse de trahir MacCarthy produit une sensation de film froid, où la lenteur contemplative frise l'illustratif, et où les rares rencontres (dont celle, touchante, avec le vieillard incarné par Robert Duvall) font figure de respiration nécessaire dans un dispositif fermé à double tour. L'exemple le plus flagrant tient à la présence de Viggo Mortensen : acteur physique, il confère une chair au personnage dont le film ne sait trop quoi faire, l'abstraction métaphysique étant son unique horizon. Ce n'est qu'au dernier tiers que les deux — le corps du film et le verbe du livre — se rejoignent et qu'enfin l'émotion surgit. Un peu trop tard, peut-être...La Route
De John Hillcoat (Australie-ÉU, 2h) avec Viggo Mortensen, Robert Duvall...