La première édition du festival Les Jeunes Pousses(ent), sous-titré "éclosions théâtrales", se déroulera dans trois lieux différents : le Théâtre de Poche de Grenoble, l'Autre Rive d'Eybens, et le Pot au Noir de Saint-Paul-les-Monestiers. Avec pour but de donner leur chance à de nouveaux metteurs en scène, qui présenteront leur création dans les trois lieux. Rencontre avec trois des organisateurs pour en savoir plus sur l'esprit du projet. Propos recueillis par Aurélien Martinez
Comment est né ce festival ?
Valère Bertrand, du Pot au Noir, et ancien du Tricycle : L'idée a germé au sein du Tricycle, grâce à Gilles Arbona [l'un des membres du dit Tricycle – NdrR]. Le collectif a ensuite rapidement sollicité le Centre culture et loisirs d'Eybens et le Pot au noir, qui ont tous deux répondu à l'appel. Et le festival Textes en l'air nous a ensuite rejoints [deux des trois créations seront présentées cet été à Saint-Antoine-l'Abbaye – NdlR].
Gilles Arbona, du Tricycle donc (collectif qui, depuis septembre dernier, gère le Théâtre 145 et le Théâtre de Poche) : L'idée m'est venue d'un seul coup, comme ça ! En me levant un matin, je me suis dit : tiens, il faudrait faire quelque chose pour ceux qui n'ont jamais rien fait. On demande souvent aux artistes ce qu'ils ont fait, et quand ils ne répondent rien, on leur dit de revenir plus tard, quand ils auront de l'expérience. C'est le serpent qui se mord la queue ! Il faut offrir une première chance aux artistes. Ce que l'on fait, compte tenu de la mission d'accompagnement que l'on a au Tricycle : à savoir être en rapport avec l'émergence, s'occuper des gens qui démarrent, des jeunes compagnies, les aider.
Vous expliquez que les trois scènes associées à ce festival sont trois lieux atypiques, puisque axés avant tout sur la création et non simplement la diffusion...
Sarah Papet, directrice du Centre loisirs et culture d'Eybens : Ce qui nous rassemble, c'est que l'on soit véritablement tous les trois des lieux de fabrique et d'accompagnement à la création. On essaie de laisser aux équipes le temps de l'expérimentation sur la plateau, car une création, ça se mature.
Gilles Arbona : On fait en sorte que ça ne soit pas seulement quelques jours de répétition dans le théâtre... Ce qui est malheureusement souvent le cas aujourd'hui, les compagnies luttant pour trouver des lieux de répétition.
Ce festival est-il né d'un constat selon lequel il serait dur d'émerger à Grenoble ? À Lyon, par exemple, il existe un important réseau de scènes découvertes pour permettre de faire ses armes...
Gilles Arbona : Je pense que c'est dur d'émerger de partout. Je ne connais pas véritablement la situation lyonnaise, mais j'imagine que ça doit être la même chose. C'est ce que je raconte de manière humoristique sur le milieu : j'ai l'impression que c'est comme dans le métro, il y a de plus en plus de monde, ça devient difficile d'ouvrir et de fermer les portes. Les situations politiques et économiques ne sont plus les mêmes qu'auparavant, d'autres choix sont effectués. Alors que l'on a besoin de la culture ! Je lisais récemment dans Libération l'article de Michel Orier, le directeur de la MC2 [Culture : la recentralisation rampante, édition du 26 mars] sur ce que pouvait être l'apport de la culture en termes d'emploi [Michel Orier écrit notamment ceci : « Le spectacle vivant, infalsifiable, exportable, contribue à l'augmentation du revenu national en employant une main-d'œuvre non délocalisable. En période de crise, il fait partie des pistes de croissance possible »] : il a tout à fait raison. La création est une grande force. Si les politiques pouvaient se mettre ça dans la tête, et penser les choses autrement. Car à toutes les époques et même dans les pires moments, l'art reste quelque chose de primordial. Il y aura toujours des gens dans une cave, seuls et sans argent, qui essaieront de faire des choses. Et nous, on se doit de les aider.
Les Jeunes Pousses(ent), du samedi 14 au dimanche 22 avril, au Théâtre de Poche (Grenoble), l'Autre Rive (Eybens) et au Pot au Noir (Saint-Paul-les-Monestier). Détails de la programmation en pages théâtre.
Repères : Les spectacles
Les trois équipes choisies, même si c'est involontaire, sont dirigées par trois jeunes metteuses en scène, tout juste sorties du conservatoire : l'image a de la gueule, dans un monde très masculin et plutôt âgé. On retrouvera ainsi une création de Jessie Chapuis (une réécriture du mythe de Narcisse), une mise en scène du Quartett d'Heiner Müller par la cie Encore heureuX, et enfin Misterioso, spectacle de la cie GroupUrsule sur l'enfermement à partir d'une pièce de Koffi Kwahulé, dramaturge ivoirien.