L'itinéraire de Dub Inc, groupe de reggae né à Saint-Étienne et dont la notoriété a finalement pris une ampleur nationale puis internationale, aurait pu donner lieu à un documentaire en forme de success story. Mais le film de Kamir Meridja, Rude boy story, a bien d'autres vertus que la simple célébration du groupe et de sa musique.
Dans la première partie, les membres se livrent à un réquisitoire contre les media qui, selon eux, les négligent car ils n'ont jamais signé sur une major. L'angle est étrange pour une entrée en matière, mais il finira par faire sens lorsque Meridja apportera un contrechamp à cette image d'un groupe indépendant en bisbille contre le système. Car c'est justement cette indépendance radicale qui leur permet de créer une connexion directe avec leur public, un lien de proximité que la révolution numérique, du home studio aux réseaux sociaux, va amplifier.
Dub Inc n'a pas vendu son âme, mais il a dû surmonter des crises. Crise de croissance, qui conduit à reconsidérer avec nostalgie ce moment où l'on jouait à l'énergie dans des salles minuscules, mais aussi à affronter une tournée galère aux États-Unis ; crise de longévité aussi, puisque le groupe doit faire face au départ de certains membres historiques, puis retrouver ses marques pour établir une dynamique nouvelle. Cette honnêteté rend Rude boy story assez émouvant : en mélangeant images d'archive et séquences tournées spécialement pour le film, il témoigne du parcours effectué par Dub Inc en quinze ans sans oublier d'en pointer les difficultés.
Christophe Chabert