Influencée par le rock indé, le hip-hop et les sonorités vintage des premiers jeux vidéo, partagée entre déflagrations soniques furibardes et mélodies à fendre le cœur, et conçue « pour durer dans le temps », la musique de dDamage fait figure d'ovni sur la scène électronique française. En amont de leur concert lors de la grosse soirée de clôture de Rocktambule, on a appelé JB Hanak pour en savoir plus. Propos recueillis par Damien Grimbert
Votre frère et vous faites une musique peu conventionnelle...
Jean-Baptiste Hanak : Quand je parle avec des gens qui ne connaissent pas dDamage, je leur dis que je fais de la musique électronique. Et automatiquement, ils pensent à de la musique de club, de la musique de rave, ou à des trucs à la Jean-Michel Jarre. dDamage, ce n'est absolument pas ça... Il y a un problème de formatage qui est extrêmement étouffant en France avec le terme électro. Aujourd'hui, un duo qui fait de la musique électronique sur scène doit être capable de retourner un dancefloor, chose qui n'est pas spécialement la mission qu'on s'est donnée avec mon frère. On a toujours eu une vision de la musique électronique au sens extrêmement large du terme, ce qui fait qu'aujourd'hui, dDamage est un groupe complètement à part dans la scène électronique française. C'est un mal pour un bien, mais parfois, je suis un peu désespéré que mon groupe fasse figure d'exception... Parce qu'il me semble que la musique électronique, ça devrait être quelque chose de largement plus ouvert que ce qu'on retrouve au sommaire des magazines électro et à l'affiche de tous les festivals de France et de Navarre.
N'être affilié à aucune scène, c'est plutôt un avantage ou un handicap ?
On a toujours eu du mal à s'intégrer aux scènes, aux labels. C'est quelque chose qui m'a beaucoup fait souffrir dans nos premières années. Ensuite, il y a eu une phase où je me suis fait une raison, et puis la troisième phase, ça a été finalement d'en être content et même fier. Mon frère et moi, on a toujours été attirés par la mélodie, mais en même temps, on aime le bruit et la dissonance et les faire cohabiter avec la mélodie. Donc, finalement, on a continué notre truc, le dancefloor et tout le tralala, on est un peu dedans mais pas vraiment non plus... On s'est résignés à ne rien intégrer, et aujourd'hui, on ne veut plus rien intégrer. Je pense qu'on est arrivés à un niveau où on a une véritable petite identité bien à nous, on a réussi à fabriquer notre petit nom, donc c'est bien comme ça.
Il y a un côté très intense, à fleur de peau, dans votre musique, à la fois par le biais des mélodies, mais aussi par l'énergie dégagée, le côté parfois frénétique des morceaux...
On a toujours été attirés par l'ambivalence musicale. Si tu prends Prince ou Nirvana, musicalement, ça n'a strictement rien à voir avec nous, mais il y a une ambivalence chez eux qui me fascine littéralement depuis des années, ils arrivent à faire cohabiter des sensibilités extrêmement différentes. Mais musicalement c'est toujours équilibré, ça a toujours du sens, ce n'est pas de la vulgaire fusion. C'est ce genre de choses qui nous plaisent énormément et que finalement, tu ne peux mettre en valeur que par le biais de l'écriture, de la composition. Du coup, le côté poseur qu'il peut y avoir dans la musique électronique, avec les sons surgonflés, la montée hyper-efficace qui fait que les gens vont lever les bras en l'air... Mon frère et moi, on s'en bat complètement de ce genre de choses. Ce qui nous intéresse véritablement, c'est un travail de fond, d'écriture, où justement ces notions de cohabitation, d'ambivalence musicale, vont pouvoir être installées. En fait, c'est simple, dDamage, c'est de la musique écrite ! Ce n'est pas de la musique de "pattern" qui tourne sur Ableton Live où ton carcan de composition est imposé par une interface de création musicale, où tout est fait pour accentuer le côté poseur de ta musique... Tous ces trucs de musique virtuelle que 90% des gens utilisent aujourd'hui, nous, on ne s'en sert pas. On écrit de la musique faite pour durer dans le temps, plutôt que faire une musique de gimmicks qui est là pour coller avec l'air du temps.
Vous êtes en activité depuis environ une douzaine d'années. Qu'est-ce qui a le plus évolué dans votre manière de travailler ?
On a toujours été très bordéliques... Et à peu près toujours avec les mêmes instruments, même si on les maîtrise mieux avec le temps. Finalement, tu as plus de possibilités avec une configuration réduite et limitée, dans le sens où tu es plus à même de bosser comme un arraché et de finalement bien maîtriser ton instrument, plutôt que d'avoir des dizaines de logiciels et d'instruments et de tous les utiliser à hauteur de 10% de leur potentiel.
Des projets, des envies ?
Pour le moment, ce dont j'ai véritablement envie, même si ce n'est pas pour tout de suite, c'est de faire un nouvel album de dDamage uniquement avec mon frère. Nos trois derniers albums étaient vraiment très axés sur les collaborations, ce que je ne regrette absolument pas mais, oui, faire un album... ou même un EP, un format court, juste avec mon frère, ça me ferait vraiment plaisir.
Soirée de clôture de Rocktambule
samedi 20 octobre à partir de 23h, à l'Ampérage et au Drak'Art.