À ceux qui en ont soupé du néo-folk ou du folk tout court – et Dieu sait s'il y en a – Dark Dark Dark est la réponse adéquate. Car il y a dans cette musique quelque chose d'à la fois extrêmement simple et pourtant infiniment sophistiqué qui déborde du cadre. Et c'est dans cette articulation même que réside toute l'ambiguïté de la promesse d'un groupe qui comme son dernier EP, aurait pu tout aussi bien s'appeler Bright Bright Bright.
Tandis que de ce côté-ci de l'Atlantique, les artistes folk tentent de raviver, parfois à coups de clichés, le Grand Esprit d'une Americana aussi vénérée que fantasmée, c'est vers la vieille Europe, au cœur des ténèbres, que l'Amérique folk de Dark Dark Dark vient chercher ses propres racines.
Car, comme Beirut, Devotchka ou même Arcade Fire, le quintet de Minneapolis a compris que c'est de toute façon là, en Europe, qu'en creusant le terreau des musiques américaines, on finit toujours, en partie du moins, par atterrir. Répartis aux quatre coins des États-Unis, ce qui ne les empêche pas de se réunir pour enregistrer des albums, les membres de Dark Dark Dark, et particulièrement Marshall LaCount et Nona Marie Invie parcourent mentalement tous les recoins du monde à la recherche du chaînon manquant.
Ce qui donne un album, Wild Go, où, littéralement mis à nu, comme la musique qu'il entend exposer sans la muséifier, le groupe offre sans couture apparente un patchwork de country, de musique d'Europe centrale à forte influence balkanique, de gospel affalé (Right Path) de pop de chambre (Heavy Heart) et de pures torch songs à faire chialer Lana Del Rey (Robert, Daydreaming).
Là où chez d'autres on pourrait rapidement s'égarer, ne sachant plus quelles pages tourner d'un fastidieux catalogue d'érudition, Dark Dark Dark nous éclaire tout au long d'un chemin certes semé de musiques supposément folkloriques mais qui jamais ne transforment le folklore en bête de foire. Avant tout, quelles que soient les influences importées le ciment de l'œuvre Dark Dark Dark est exclusivement composé de chansons belles à se tordre qui font oublier tout le reste.
Stéphane Duchêne