Dans l'histoire du rap français, le groupe IAM fait figure de légende. Après la sortie de leurs supposés deux derniers albums ("Arts Martiens" et "...IAM"), les cinq Marseillais ont entamé une gigantesque tournée qui les emmènera jusqu'à début 2015. Rencontre avec Shurik'n et Imhotep avant leur passage au Summum. Propos recueillis par Nicolas Bros
Vous avez annoncé que ...IAM, sorti en novembre 2013, pourrait être votre dernier disque...
Imhotep : Les maisons de disques, malgré les changements de technologie et de consommation de la musique, ont voulu préserver leur marge. Partant de là, moins on vend, moins on investit sur nous. Avec IAM, nous nous sommes habitués à un certain confort de travail. Non pas que nous ne pourrions pas faire ce que nous faisons avec moins de moyens, mais si l'on veut continuer à faire rêver les gens et à rêver nous-mêmes, il faut pouvoir continuer à réaliser des clips, faire de la promo pour les albums... Avec un groupe tel qu'IAM, toutes ces choses demandent certains moyens. Retrouver une maison de disques prête à nous suivre avec les conditions dans lesquelles nous avons l'habitude de travailler, c'est compliqué.
Donc aujourd'hui, la scène est devenue primordiale pour IAM ?
Shurik'n : Elle l'a toujours été. Avant même de signer notre premier contrat en maison de disques, on avait déjà 200 concerts au compteur. On a commencé par là et c'est resté notre fil conducteur. La scène, la rencontre avec les gens et le feed-back immédiat restent ce que l'on a fait de mieux en matière de réseau social.
Quelle est votre vision de la scène hip hop française actuelle ?
Shurik'n : Il ne faut pas confondre la partie émergée de l'iceberg et ce qu'elle est réellement. Le rap, comme nous l'appelons, qui est redevenu mainstream aujourd'hui, c'est le rap qui dans les années 90 était underground. Le rap français reste très dynamique. On le voit avec l'arrivée d'artistes comme Orelsan, créatif autant au niveau visuel que musical, 1995 avec un esprit très "culture hip hop", Youssoupha qui est un auteur de talent... Il faut juste une plus grande médiatisation de ces artistes.
Imhotep : Il faut aussi que les radios de service public passent du rap. Ce serait bien, au bout de 25 ans, qu'elles commencent à diffuser la musique la plus écoutée dans leur pays... C'est pareil pour les radios privées car pour l'instant, il n'y en a qu'une, ce qui permet aux autres de se décharger de leurs responsabilités. Il y a encore du travail dans la reconnaissance de l'importance du rap en France. On le voit d'ailleurs dans la difficulté d'organiser de gros événements musicaux rap par rapport à d'autres pays comme l'Allemagne.
Shurik'n : Ce que nous demandons surtout, c'est un droit à la diversité et à une certaine nuance. Demande que les autres courants musicaux n'ont pas ou plus à faire.
Certains de vos textes sont désormais utilisés par des professeurs de français. Est-ce une fierté pour vous ?
Shurik'n : Déjà, ça ferait rire mes anciens profs de français. Ça les estomaquerait même ! (rires)
Imhotep : Cela nous fait extrêmement plaisir, bien entendu. J'ai été moi-même enseignant et j'avais compris que pour qu'il apprenne, il faut d'abord éveiller le centre d'intérêt chez l'élève. Pour faire apprécier la poésie aujourd'hui, je ne vois pas d'autre moyen aussi fédérateur que le rap. La prochaine étape consistera en la possibilité pour les profs de musique de créer des mixtapes et des albums avec les élèves et enfin remplacer la flûte à bec ! J'ai bon espoir pour que dans une trentaine d'années on y arrive...
IAM, vendredi 31 janvier à 20h, au Summum