Massacre à la tronçonneuse, l'art du cinéma sciant

Massacre à la tronçonneuse, l'art du cinéma sciant
Massacre à la tronçonneuse
De Tobe Hooper (EU, 1974, 1h24)

Dans un festival de Cannes 2014 bien morne, mais au sein d'une Quinzaine des réalisateurs qui pétait la santé, une projection a littéralement mis tout le monde à genoux : celle de Massacre à la tronçonneuse. Quoi ? Un film d'horreur vieux de quarante ans qui dame le pion aux grands auteurs festivaliers ? Ben oui... L'introduction, brillante, drôle et émouvante, de Nicolas Winding Refn, puis l'interminable standing ovation réservée au réalisateur, Tobe Hooper, n'étaient rien par rapport au choc face à la copie restaurée (en 4K) du film. Si le numérique n'a pas que des avantages – loin de là – il faut reconnaître que le boulot effectué sur Massacre à la tronçonneuse tient du miracle : en conservant l'aspect cracra de l'image originale, son caractère cheap et ses stridences sonores (les dix dernières minutes vous vrillent le crâne comme si on vous le découpait façon sapin des Vosges), cette restauration n'a pas trahi l'esprit initial de l'œuvre.

Œuvre oui, œuvre d'art même, mais arte povera, cinéma fait avec rien sinon pas mal de génie et une approche viscérale de son sujet : comment une famille de bouchers au chômage perpétue la tradition en transformant en morceaux de bidoches d'innocents teenagers égarés au fin fond du Texas. Non seulement on entend les mouches voler sur la bande-son comme si elles tournaient autour d'une viande avariée et jaunâtre, mais on sentirait presque la putréfaction suinter de l'image et la chaleur moite s'immiscer dans la salle. La ligne claire du récit (devenue canonique à force d'être remakée, directement ou indirectement) est pour Hooper l'occasion d'un travail graphique plus subtil qu'il n'y paraît : des flashs révélant les ossements au cours du générique jusqu'à l'apparition de Leatherface lors du premier meurtre, surgissement fugace se terminant par une porte fermée sèchement au nez d'un spectateur choqué par la sauvagerie de ce qu'il vient de voir, tout se déroule ici comme dans un cauchemar, entre angoisse latente et tachycardie terrorisante.

Ce chef-d'œuvre, Hooper n'en a jamais retrouvé la magie, même lors d'une suite qui tentait de faire subir aux années Reagan ce que le premier volet administrait à l'Amérique pétrifiée par le conflit vietnamien. Qu'on se le dise : ceci est la reprise de la saison, à ne rater sous aucun prétexte.

Christophe Chabert

Massacre à la tronçonneuse
De Tobe Hooper (1974, ÉU, 1h23) avec Marylin Burns, Allen Danziger...

à lire aussi

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 15 janvier 2019 Onzième édition pour le Festival des Maudits Films, qui revient du mardi 22 au samedi 26 janvier au cinéma Juliet-Berto avec une équipe renouvelée mais un objectif inchangé : faire découvrir l’époustouflante richesse du cinéma bis à travers un vaste...
Mardi 7 novembre 2017 Comment a-t-on pu passer de "sex, summer of love & rock’n’roll" au conservatisme le plus radical ? Sillonnant la Route 66, le réalisateur français Jean-Baptiste Thoret croise les témoignages d’Étasuniens oubliés des élites et désillusionnés...
Mardi 7 novembre 2017 Samedi 11 novembre à l'Ilyade (Seyssinet-Pariset), on pourra rencontrer un quatuor américain qui s'adonne sans retenue (mais alors aucune) à un genre de hard rock sudiste bas du front, vulgaire et sexy (selon les critères que l'on a de ces deux...
Mardi 20 janvier 2015 Séries B, Z, ou X, la septième édition du festival des Maudits films s’intéresse au cinéma d’exploitation en lettres capitales, des « cous rouges » américains aux culs rougis du porno français. Petit panorama des réjouissances… Christophe Chabert
Lundi 26 mai 2014 Retour sur une drôle de compétition cannoise, non exempte de grands films mais donnant un sentiment étrange de surplace, où les cinéastes remplissaient les cases d’un cinéma d’auteur dont on a rarement autant ressenti le formatage. Christophe...
Dimanche 25 mai 2014 "Jimmy’s hall" de Ken Loach (sortie le 2 juillet). "Alleluia" de Fabrice Du Welz (date de sortie non communiquée). "Whiplash" de Damien Chazelle (sortie le 24 décembre). "Sils Maria" d’Olivier Assayas (sortie le 20 août). "Leviathan" d’Andrei...
Jeudi 27 septembre 2012 Ce mercredi 3 octobre, c’est la rentrée pour le Centre Culturel Cinématographique, et rien de tel qu’un petit (un grand !) Kubrick pour marquer le coup. (...)

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X