Festival / Complexe dans sa définition comme dans sa forme, le street art tend aujourd'hui à se démocratiser tout en étant sujet aux polémiques. À l'occasion du Grenoble Street Art Fest organisé dès le 8 juin par le centre d'art Spacejunk, nous avons laissé de côté ces considérations sémantiques pour sillonner le quartier Championnet afin de découvrir les témoignages urbains de cet art passionnant.
Si Grenoble est avant tout considérée comme un pôle technologique, elle pourrait également revêtir le sigle de ville street art tant son béton s'efface derrière les marques de cet art urbain couvrant avec humour ou poésie la couleur grisâtre des pavés. Un ADN citadin en perpétuel mouvement, apparu il y a plus de 40 ans à New York avec de "simples" signatures posées de manière vandale sur les wagons des trains. Le tag reflète alors un état d'esprit particulier et ouvre la voie au street art dont l'histoire s'agrémente de nombreuses mutations stylistiques mais aussi discursives.
Au début des années 1980, cet art illégal, performatif et éphémère traverse l'océan Atlantique et pose ses bombes en Europe. Les villes se transforment alors en véritable terrain de jeux pour les graffeurs. Malgré les contraintes de réalisation, le graffiti se complexifie et derrière cet acte revendicateur apparaît un besoin d'afficher au nez et à la barbe de chacun une histoire, une esthétique et souvent un message dénonciateur. Une démonstration qui passe par le graff, le pochoir, la sculpture ou même le collage. Une technique déjà apprivoisée dès la fin des années 1960 par Ernest Pignon-Ernest, artiste français considéré comme l'un des pères fondateurs du street art.
Le graffe au cœur des montagnes
C'est d'ailleurs à Grenoble, sur la Bourse du travail, que l'on peut admirer l'une des ses plus anciennes fresques encore visibles à ce jour. Réalisée en 1979, l'œuvre aujourd'hui détériorée fait l'objet d'une restauration par le centre d'art Spacejunk dans le cadre de la deuxième édition de son festival. Depuis la réalisation de cette pièce majeure dans l'histoire du street art à Grenoble, l'écrin dauphinois ne cesse de voir fleurir peintures et pochoirs sur ses façades. Et si les quais de l'Isère s'affichent comme un véritable musée à ciel ouvert, le quartier Championnet est aujourd'hui l'une des places fortes de cette expression urbaine.
En collaboration avec l'Office de tourisme, Spacejunk organise ainsi depuis peu des visites urbaines afin de découvrir toutes les œuvres, parfois cachées, réalisées par des artistes locaux ou internationaux. Une déambulation qui permet d'aller au-delà des clichés trop souvent véhiculés réduisant le street art à un acte de vandalisme, et qui offre un regard éclectique sur cette pratique, qu'elle soit effectuée dans un cadre légal ou pas, qu'elle soit faite de bombe, de collage ou de sculpture, qu'elle soit poétique ou revendicatrice.
Une histoire du street art
Si la majorité des œuvres visibles dans le quartier ont été réalisées lors de la première édition du Street Art Fest, ce n'est pas le cas de toutes. Apparue récemment en face du centre d'art Spacejunk rue Génissieu, la pièce du Parisien All 1 Connection représente la spiritualité et la science. Une réalisation complexe et colorée où les lignes graphiques ne sont pas parallèles, relevant d'une technicité pointue. Entourant la place, les portes de garage ont été habillées par plusieurs graffeurs lors du festival l'année dernière. Quant à l'ange muni d'un bazooka, il s'agit d'un pochoir de Goin. Son esthétique et ses messages politiques sont reconnaissables au premier coup d'œil.
On retrouve d'ailleurs une œuvre de l'artiste non loin du cinéma le Club répondant à celle de Jérôme Mesnager, avec cette fois une touche d'espoir. Dans cette même rue, le Lyonnais Green offre aux passants un collage végétal, tandis qu'une sculpture de l'Espagnol Isaac Cordal se promène en hauteur. Au gré du parcours, les visages de C215 s'affichent sur les murs et les boîtes aux lettres. Et le long de la rue Humbert II se dessine l'histoire du street art. Conçue par les collectifs Contratak et la Ruche l'année dernière, la fresque débute avec les dépôts de train à New York en 1970 pour évoluer du tag jusqu'au wild style, écriture 3D illisible pour les néophytes, en passant par les réalisations symétriques et le graffuturisme. Preuve, s'il en fallait encore, que le street art est riche et s'adresse à tous.