Les CAE (contrats d'accompagnement dans l'emploi destinés au secteur non marchand), dispositif « coûteux » et « inefficace » selon le Premier ministre Édouard Philippe, vont passer de 459 000 en 2016 à moins de 200 000 l'an prochain selon les chiffres du gouvernement. Une décision politique qui va notamment pénaliser les petites structures culturelles, mises devant le fait accompli cet été alors qu'elles ont souvent recours à ce genre de contrats. Reportage à Grenoble.
« On a tous commencé par un CAE ! » Fabien Givernaud, programmateur de l'association grenobloise Mix'Arts, n'est pas rassuré : sur les neuf salariés que compte sa structure, certes quatre ont déjà évolué vers un contrat classique, mais cinq autres bénéficient encore du CAE. « Notre attaché administratif va devoir partir en octobre comme il est impossible de l'employer sans aides. Et deux contrats, pour un cuisinier et un animateur, vont s'arrêter début 2018 et ne seront pas reconduits. »
Durant l'été, les conseillers Pôle Emploi, qui se chargent de signer les conventions entre l'État et l'association, ont donc eu de mauvaises nouvelles à annoncer : ce type de contrat permettant à l'employeur de bénéficier « d'aides, sous forme de subventions à l'embauche, d'exonérations de certaines cotisations sociales ou d'aides à la formation » (dixit la Dares, département des statistiques du ministère du travail), vont fortement diminuer.
« En juillet, nous avons recruté un assistant-régisseur pour un contrat à mi-temps. Mais en août, notre conseiller nous a finalement expliqué que la convention était en stand-by », se remémorent Fanny Zanetton, attachée de production, et Claire Le Guilloux, chargée de communication pour la compagnie grenobloise les Barbarins fourchus. « Il a fallu le prévenir de ne pas venir. » Des exemples comme celui-ci, nous en avons récolté de nombreux. Le Théâtre du réel a, lui, réussi à sauver son emploi aidé grâce à un bon timing. « On a eu un conseiller qui a eu du flair, et qui nous a fait signer la convention avant la fin du mois du juillet » explique-t-on à la communication de la compagnie martinéroise. Rare exception.
« Un effet domino » probable
Pour ces structures, la mobilisation est donc vécue comme la première des nécessités. Le Synavi (Syndicat national des arts vivants) a rapidement lancé un sondage national auprès de ses adhérents. Bilan : « 700 compagnies nous informent que la disparition de ces contrats aidés met en péril le projet de 76 % des structures de la création qui y ont recours. » Une cartocrise du CAE a vu le jour et recense les situations à travers la France.
Quand, le mardi 12 septembre, on croise Alexandre Lamothe (programmateur à la Bobine et membre du syndicat ASSO, qui représente le secteur associatif), il revient de la manifestation contre la loi travail. « Pour la première fois, les salariés de la Bob' se sont mis en grève puisque cet arrêt brutal des CAE nous fait craindre un effet domino. » Le monde culturel étant interconnecté, des assos n'ayant pas recours aux CAE pourraient quand même pâtir de cette réduction. Et de citer l'exemple du café associatif et culturel grenoblois le Barathym, où trois employés sur quatre sont en CAE. « Ce lieu est devenu le centre d'un réseau de quartier et un point de rencontre. C'est donc toute la Villeneuve qui est touchée » explique Lisa Lehoux, militante à la Coordination des intermittents et précaires de l'Isère.
Un « changement de logique »
Alors certes, le salaire d'un CAE, initalement créé pour lutter contre le chômage en facilitant l'insertion des personnes rencontrant des difficultés d'accès à l'emploi, n'est pas mirobolant (600.36€ net pour 20h par semaine), mais il autorise une véritable formation comme nous l'a expliqué Léo Sellez, qui était en CAE chez les Barbarins fourchus comme assistant-régisseur. « C'était très mal payé mais c'était mon premier boulot dans le milieu, et j'ai profité des connaissances très larges du régisseur général. » De son côté, Alexandre Lamothe l'assure : « On se bat depuis longtemps contre ces emplois aidés qui sont précaires. Or, face à cette réduction, la solution que dessine l'État serait de recourir à des services civiques qui ne sont même pas des contrats de travail ! » Un simple « changement de logique » pour Edouard Philippe, qui risque tout de même de faire des dégâts.