de Erick Zonca (Fr., 1h54) avec Vincent Cassel, Romain Duris, Sandrine Kiberlain
Flic lessivé et alcoolo, le capitaine Visconti enquête sur la disparition de Dany. Très vite, il éprouve une vive sympathie pour la mère éplorée de lado, ainsi quune méfiance viscérale pour Bellaile, voisin empressé, professeur de lettres et apprenti écrivain ayant donné des cours privés à Dany
Des Rivières pourpres à Fleuve noir, Vincent Cassel a un sens aigu de la continuité : les deux films sont on ne peut plus indépendants, mais lon peut imaginer que son personnage de jeune flic chien fou chez Kassovitz a, avec le temps, pris de la bouteille (noubliant pas de la téter au passage) pour devenir lépave chiffonnée de Quasimodo au cheveu gras et hirsute louvoyant chez Zonca. Cette silhouette qui, entre deux gorgeons, manifeste encore un soupçon de flair et des intuitions à la Columbo ; ce fantôme hanté par ses spectres.
Terrible dans sa déchéance et désarmant dans son obstination à réparer ailleurs ce quil a saccagé dans son propre foyer, ce personnage est un caviar pour un comédien prêt à linvestir physiquement. Cest le cas de Cassel, qui navait pas eu à habiter de rôle aussi épais depuis trop longtemps. Face à lui, Romain Duris, en prof précieux qui suit sa ligne ÉducNat adoptée pour Madame Hyde (en moins histrionique, quand même), manque dun soupçon de perversité pour être totalement inquiétant. Ce défaut constitue, avec la crise de nerfs bancale dÉlodie Bouchez, le seul bémol de ce concerto noir.
Enquête sur une disparition signée par un cinéaste revenant (son précédent long, Julia, date de 2008, et son succès La Vie rêvée des anges de 1998), Fleuve noir est un mystère douloureux dont la résolution nest pas la clé : plus importante est la mise en lumière des parts dombre de lêtre humain ou celle des recoins insoupçonnés des espaces communs. Éprouvant et fascinant à la fois.