Gilles Balmet : ceci est bien un peintre

Gilles Balmet : ceci est bien un peintre
The colour in anything

Galerie Marielle Bouchard

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Portrait / Grosse actu en ce mois de septembre pour l'artiste plasticien grenoblois Gilles Balmet qui inaugure trois expositions personnelles – à la galerie Marielle Bouchard et au Musée dauphinois à Grenoble, ainsi qu'au Belvédère de Saint-Martin-d'Uriage. Entre deux séjours parisiens (il est installé à Paris depuis 2004), nous avons rencontré dans son fascinant atelier grenoblois du cours Berriat celui dont les peintures entre abstraction et figuration interrogent la notion de hasard comme celle de paysage.

« J'évolue dans le champ de la peinture. Je me sens donc peintre, mais également dessinateur comme les supports changent selon les œuvres et les techniques se rapprochent parfois de celles du dessin. On peut dire, en fait, que je fais le pont entre les deux, et apporte ainsi de nouveaux langages plastiques. » Voilà les mots qu'utilise « l'artiste » (il tient à ce terme) Gilles Balmet quand on lui demande de présenter l'univers qu'il développe depuis sa sortie des Beaux-Arts de Grenoble en 2003. Un travail facilement identifiable qui, pourtant, ne choisit pas simplement entre le figuratif et l'abstraction, à l'image de sa série phare que sont les Silver Mountains.

« Je viens plutôt du champ de l'abstraction. L'idée est de jongler entre les deux et de permettre au regardeur de faire ses propres projections. Dans la série Silver Mountains, il y a des gens qui voient des montagnes de façon presque évidente, et je joue avec ça – mes titres sont des petites indications qu'il ne faut pas prendre trop autoritairement ! Pourtant, certains pensent parfois, en les voyant de loin, que ce sont des photographies ou des négatifs. Mais, en se rapprochant, ils se rendent compte que ce n'est pas possible, à cause par exemple de quelque chose de bizarre dans le relief suggéré... »

Des œuvres qui, avec d'autres (comme ses Waterfalls composées de gouttelettes pulvérisées qui s'écoulent), font office de signature, aussi bien dans le rendu que dans le « protocole » atypique pour y arriver. « Pour les Silver Mountains, je pulvérise de la peinture acrylique argentée à la surface d'une piscine d'eau et je viens tremper ma feuille de papier noire directement et perpendiculairement à la ligne de flottaison des matières. Il se crée un report de la matière en fonction de mes gestes, de leur souplesse ou de leur violence. »

Une jeunesse grenobloise

Alors qu'il inaugure trois expositions en septembre dans l'agglomération, on le retrouve justement dans son immense atelier grenoblois où il peut librement s'adonner à son art. Un local sur plusieurs étages, situé dans la cour du 25 bis cours Berriat, qui appartient à sa famille, puisqu'il a été conçu dans les années 1920 par son arrière-grand-père Louis Balmet, maître verrier réputé – des vestiges de cette activité, que ce dernier a exercée dans de nombreuses églises grenobloises et d'ailleurs, sont encore stockés ici et là entre les œuvres de l'arrière-petit-fils. Un héritage (son grand-père était aussi maître verrier, et son père encadreur) qui lui a permis de facilement se diriger vers le monde de l'art.

« Petit, j'ai passé beaucoup de temps dans la boutique de mon père à voir de nouvelles œuvres amenées toutes les semaines. On allait aussi souvent au Musée de Grenoble, au Magasin... Je fréquentais également la galerie Antoine de Galbert qui était à Grenoble avant d'avoir la Maison rouge à Paris ; je voyais des choses extraordinaires chez les antiquaires, les galeristes – dans les années 1990, il y avait à Grenoble des galeristes un peu plus prospectifs qu'aujourd'hui. »

D'où son envie, très jeune, de s'essayer à la pratique artistique, mais non du côté de l'artisanat comme ses aînés. « Oui, ce sont des artisans d'art, ce qui est assez différent en France du statut d'artiste, mais pas partout – comme au Japon par exemple. Et dans d'autres cultures, les artisans d'art sont même mieux considérés que les artistes ! »

« Je produis beaucoup mais détruis beaucoup aussi »

Après avoir suivi l'option arts plastiques au lycée Champollion et, ensuite, cherché sa voie pendant une année (il a notamment fait quelques mois en fac d'histoire de l'art – « ce n'était pas pour moi comme j'étais déjà praticien, je travaillais dans mon atelier depuis mes dix ans ! »), il rentre aux Beaux-Arts de Grenoble pour 5 ans d'études pendant lesquelles il touche à la peinture, à la vidéo, à la performance... Il en sort diplômé en 2003, et part l'année d'après s'installer à Paris « par nécessité professionnelle », même s'il revient souvent à Grenoble pour travailler dans le cadre confortable (quoique sans chauffage !) de son immense atelier – celui qu'il occupe à Paris et dans lequel il vit est beaucoup plus petit, et ne permet pas, par exemple, de manipuler des produits toxiques.

Car si ses travaux ont ce quelque chose d'apaisé lorsqu'on les regarde, ils sont parfois produits dans de grands élans performatifs qui nécessitent de la place. « C'est quelque chose d'assez intense, qui peut être lié à mon rapport à la culture asiatique comme j'ai eu la chance de séjourner six mois à la Villa Kujoyama de Kyoto, sorte de Villa Médicis au Japon, avec mon ami Benoît Broisat qui a été lauréat de cette résidence prestigieuse. La peinture asiatique a une dimension presque immédiate – soit c'est réussi, soit c'est raté – donc je mets un peu cette idée-là dans la mienne. C'est pour ça que je produis beaucoup mais détruis beaucoup aussi. »

On aura donc droit, à la galerie Marielle Bouchard (« la seule bonne galerie d'art contemporain de Grenoble »), au Musée dauphinois (dans le cadre de la biennale Saint-Laurent centrée sur le dessin) et au centre d'art le Belvédère de Saint-Martin-d'Uriage à ce qu'il a décidé de garder, avec des œuvres plutôt récentes. « Je vais essayer de mettre des identités assez claires sur chaque exposition, avec par exemple la série sur papier White rain au Musée dauphinois ou des Waterfalls hydrides chez Marielle Bouchard... Mais, à chaque fois, il y aura bien sûr des rappels du reste de mon travail. »

Gilles Balmet
À la galerie Marielle Bouchard jusqu'au samedi 22 septembre
Au Musée dauphinois du samedi 15 au lundi 3 décembre
Au Belvédère du vendredi 21 septembre au dimanche 4 novembre


Repères

1979 : naissance à La Tronche

1998-2003 : études aux Beaux-Arts de Grenoble

2004 : installation à Paris

2008 : début de la collaboration avec la galerie Dominique Fiat qui le représente

2010 : résidence à Kyoto

2012 : commence à donner des cours aux Beaux-Arts de Montpellier

2014 : exposition à Grenoble baptisée Collection Gilles Balmet (il a une activité soutenue de collectionneur)

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